Cette figure historique, brillamment mise en valeur par Oliver Stone en 2005, ... non, je plaisante. A part quelques scènes visuellement très belles, on attendait beaucoup plus de ce biopic porté par un casting de ouf et un réalisateur que j'admire énormément, mais qui s'attardait plus sur la vie privée du personnage que sur ce pour quoi il est le plus connu, ses conquêtes !
Alors sans plus attendre, laissez moi vous narrrrrrrer (oui, avec plein de "r" qui roulent), la (courte) vie de ce conquérant mythique !
NE UN 21 JUILLET ...
Déjà, voilà, il est né un 21 juillet (-356), le même jour que votre humble et dévoué serviteur. Coïncidence ? Je ne crois pas. De grandes ou terribles choses ont eu lieu un 21 juillet : pêle-mêle, le sac de Rome en -390, l'incendie du Temple d'Artémis à Ephèse (la même année que la naissance d'Alexandre), la bataille des pyramides (1798, lors de la campagne d'Egypte), le premier pas sur la Lune, le dernier concert de Johnny Hallyday en 2016, le décès de l'astronaute Alan Shepard, ou encore la fête nationale en Belgique.
Notez aussi que, dans notre calendrier, c'est aussi le jour de la Saint Victor, qui signifie "vainqueur" ou "victorieux", ce qui, dans le cas d'Alexandre, colle bien au personnage, même si le calendrier grégorien n'a été instauré que des siècles plus tard !
Il naît donc à Pella, qui est la capitale du royaume de Macédoine (non, pas celle de la cantine). Papa n'est autre que Philippe II et maman se prénomme Olympias. Il a une petite sœur, Cléopâtre. Non, évidemment, ce n'est pas celle qui, 300 ans plus tard aura le destin tragique qu'on lui connaît ...
Bref ! Vous voulez des potins sur le couple royal ? Je vais me transformer en Stéphane Bern (que j'apprécie beaucoup) momentanément : des doutes persistent sur la paternité d'Alexandre. On dit que Philippe II avait peur de passer la nuit avec sa femme à cause de son habitude de dormir avec des serpents et que le véritable père serait ... Zeus ! Oui, carrément !
Une légende urbaine dont se servira Alexandre dans sa "carrière". Il a d'ailleurs aussi souvent déclaré descendre d'Héraclès par son père et de Néoptolème (fils d'Achille), par sa mère ... Et la marmotte, elle descend ... dans son terrier mettre du chocolat dans le papier d'alu.
Alexandre grandit dans un milieu cultivé et baigné de la culture Attique de l'époque. Il est fan de l'Iliade, dont il emporte partout une version rédigée et annotée par son précepteur, qui n'est autre qu'Aristote (un ami proche de son père) ! Achille est évidemment son modèle héroïque et il recherchera toujours l'inspiration dans l'œuvre d'Homère, y compris et surtout lors de ses campagnes.
Mais il ne s'arrête pas là : Hérodote, Xénophon, Eschyle, Sophocle, Euripide, tout y passe !
VOUS AVEZ AIME ALEXANDRE ET ALEXANDRE II, VOICI ALEXANDRE III !
A l'été -336, Philippe II est assassiné au cours du mariage de sa fille. Le régicide est une sorte de sport national en Macédoine puisque le père de Philippe II fut lui aussi assassiné, tout comme son prédécesseur, Alexandre II (liste non exhaustive !).
Vengeance personnelle d'un garde du corps, assassinat commandité par le roi Perse Darius III, les versions varient et aucune n'est vérifiable. Quoi qu'il en soit, après délibération de l'Assemblée des Macédoniens, une sorte de conseil d'état, Alexandre est mis sur le trône et, histoire d'assurer le coup, notre jeune roi (20 ans) fait tuer tous ses rivaux potentiels. Vu les précédents, on peut comprendre ses "frappes préventives" !
Une fois sa position consolidée, Alex fait la tournée des grands-ducs. Eh ouais, il n'est pas seulement roi de Macédoine, mais aussi archonte de Thessalie, commandant et stratège de la Ligue de Corinthe et les Athéniens prêtent également allégeance à ce nouveau hégémôn (commandant donc). Comme il a déjà des campagnes militaires en vue (son regard se portant avec insistance sur les Perses), il est bon de se montrer à ses alliés.
Mais avant d'aller voir ailleurs, il faut s'assurer que le pays est en sécurité. Il ne s'agit pas d'aller gambader à l'étranger en laissant la porte ouverte. Donc, Opération : Sécurisation !
Il repoussera les barbares au nord, matera des tribus Thraces et Gètes, contraint les Illyriens au repli, rasera Thèbes qui s'est révoltée. Athènes échappe au courroux du jeune roi. S'ensuit une seconde tournée de la Grèce pour bien montrer que c'est lui le patron.
ALEXANDRE FAIT UNE PERCEE EN PERSE (oui, c'est nul, je sais, je sais ...)
Philippe II avait pour projet d'unir la Grèce (autour de son royaume, évidemment) dans un but unique : aller mettre la pâtée aux ennemis de toujours : les Perses.
Les Grecs avaient déjà une tête de pont plutôt fragile en Troade (oui, la région de Troie) et Alexandre accélère le mouvement par peur de la perdre.
L'armée d'Alexandre est aguerrie par les nombreuses campagnes de son père et dispose de nombreux atouts : cavalerie, engins de siège, une garde personnelle à cheval (300 cavaliers), tactiques à la pointe (phalanges équipées de lances et boucliers), etc. Il bénéficie aussi d'une bonne connaissance du terrain grâce à des unités d'éclaireurs.
Sa supériorité est tactique ET technique, mais pas numérique. Je ne vous fournirai pas de chiffres ici, car les sources sont souvent contradictoires et, vous le savez, l'histoire est toujours écrite par les vainqueurs.
Nous sommes alors en -334 et Alexandre débarque en Asie (Mineure, nous sommes à Abydos, non loin du détroit du Bosphore) et, soignant son image, il se rend sur les lieux supposés du siège de Troie et dépose une couronne sur le tombeau d'Achille alors que son favori, Héphaistion, fait de même sur celui de Patrocle. Comme c'est romantique tout ça ...
Après une charge de cavalerie épique sur son homologue Perse, le long du fleuve Granique (ce sera une défaite écrasante pour les troupes de Darius), il conquiert la Phrygie hellespontique, la Lydie et engrange un paquet de trésors.
Les villes se soumettent les unes après les autres : Sardes, Dascylion, Ephèse, Milet.
Après la prise des cités côtières, Alexandre, à l'hiver -334/-333, se tourne vers la Lycie, qu'il prend sans résistance, puis la Pamphylie et la Pisidie. Il remonte ensuite vers la Phrygie septentrionale, qui est d'une importance stratégique. Toutes ces régions sont conquises rapidement.
On arrive donc aux limites déterminées par Philippe II dans son grand plan : conquérir l'Asie jusqu'aux rives de l'Halys et donc de s'assurer d'une part le gain de vastes territoires et, de l'autre, d'avoir une zone tampon qui permettrait de voir venir l'envahisseur Perse de loin et d'organiser la défense avec un délai conséquent.
Mais maintenant, Alexandre a de nouvelles vues : l'anéantissement de l'Empire Perse. C'est sûr, si on veut s'assurer qu'un ennemi ne nous attaquera plus jamais, l'éliminer purement et simplement est une solution ...
Tiens, c'est d'ailleurs à cette époque que se situe l'épisode du nœud gordien. Il y a plusieurs variantes de cette histoire, mais voici la plus répandue :
un paysan de la ville de Gordion aurait eu une vision ou un truc du genre. Le timon de son attelage était lié par un nœud de corde végétale réputé indénouable. Et il était dit que la personne qui parviendrait néanmoins à le défaire serait le nouveau maître de l'Asie toute entière.
Oui, mais la légende ne disait pas de quelle manière, alors Alexandre, tout en finesse, sortit son épée et trancha le nœud d'un seul coup. "Ah oui, comme ça ça marche aussi ..." aurait déclaré le paysan.
Evidemment, tout ceci se serait déroulé devant témoins, dans une époque où la superstition et le regard des dieux pesaient sur chaque action. Alexandre devenait donc légitime dans ses campagnes visant à renverser Darius et prendre l'empire.
Mais les Perses ne l'entendent pas de cette oreille et Darius III lui-même décide de prendre le commandement de son armée et lance une contre-offensive majeure.
Alexandre quitte Gordion pour Ancyre, reçoit la soumission de principe de la Paphlagonie et de la Cappadoce. Malade pendant plusieurs semaines (a priori des suite d'une hydrocution après une baignade en rivière ...), il fait étape à Tarse et ses troupes, sous le commandement de Parménion, son second, poursuivent la progression et prennent les passes stratégiques de la région. Sur ses arrières, Ptolémée assure la chute d'Halicarnasse, de Myndos et de Cos.
Entretemps, Darius s'est établi sur la plaine d'Issos, souhaitant forcer Alexandre à l'affrontement direct tout en le coupant du gros de ses forces, ce dernier étant alors en Syrie.
Loin de refuser le combat, notre conquérant rejoint Issos, établit sa ligne de bataille, malgré une infériorité numérique significative.
Loin des chiffres extrêmement élevés donnés par les historiens antiques (les vainqueurs, donc), on pense aujourd'hui que Darius alignait environ 108 000 hommes, dont 11 000 cavaliers et autant de mercenaires grecs (ah les traîtres !), tandis qu'Alexandre lui opposait 40 000 hommes, dont environ 5 800 cavaliers.
Et ... ça se passe mal pour les Perses. Mais alors vraiment mal ! Là encore, les chiffres de Plutarque sont à prendre avec des pincettes, puisqu'il donne 700 morts du côté d'Alexandre, pour 20 000 côté Perse ! Quoi qu'il en soit, c'est une tôle monumentale. Darius prend la fuite et la famille royale est capturée. Visiblement, Darius avait un drôle de concept des vacances en famille ... Sachez que tous ces nobles, dont la maman et l'épouse de Darius, seront traités avec respect par la suite.
Après cette débâcle ce dernier cherchera à négocier avec le macédonien, en vain. Bah oui, il est en position de force.
Tandis qu'Athènes et Sparte tentent de s'allier à Darius (ah les traîtres ! bis), un risque sur les arrières et les lignes d'approvisionnement est réel. Il faut donc prendre la Phénicie et ses ports afin d'assurer le coup, ce qui est fait durant ce même hiver. Pendant ce temps, Parménion atteint Damas où il s'empare du trésor de Darius qui, de son côté, serait en train de lever une nouvelle armée.
De janvier à août -332, Alexandre prend la Judée et la Samarie, mais doit faire le siège de l'île-cité de Tyr, avec ses deux ports, atout important en matière de logistique. Sidon, Byblos, Arados, Soles, villes soumises à Alexandre, lui fournissent des navires et le siège se fait également par la mer. Truc de ouf, il fera construire une jetée en pierre pour acheminer les troupes jusqu'au portes de la ville. Il y fera ensuite installer des catapultes. En juillet, elle n'est toujours pas terminée (ben oui, les Phéniciens ne les laissent pas trop faire) et en août, après un ultime assaut conjoint par la mer et par la terre, à l'aide de tours de siège et de béliers, le macédonien entre dans la ville, à la tête des troupes. Aujourd'hui, Tyr est toujours une presqu'île.
La résistance est acharnée, mais vaine. On estime à 8000 environ, le nombre de défenseurs tués. Pour faire bonne mesure, on crucifie 2000 jeunes hommes. Ceux qui restent, au nombre de 30 000, sont réduits en esclavage (beaucoup de femmes et d'enfants s'étaient réfugiés à Carthage avant le siège et ont donc été épargnés).
La mainmise sur la Phénicie (aussi) est totale.
C'EST LE PHARE A "ON"
Direction l'Egypte ! A l'époque, elle est sous contrôle Perse. Il semblerait (mais rien n'est moins sûr), que Darius aurait alors proposé de nouveau des négociations plutôt avantageuses à Alexandre, à savoir, la main de sa fille Stateira, ainsi que tout un territoire s'étendant jusqu'à l'Euphrate.
Mais, non merci, Alex préfère faire tout ça lui-même, à la force du poignet, façon nœud gordien, quoi. Paf, dans la tronche.
Mais pourquoi l'Egypte ? Pareil que pour Tyr et la Phénicie, c'est une façade maritime importante et, si Alexandre la prend, les Perses n'en auront plus.
Mais tout ne se passe pas aussi vite que prévu puisque, pendant deux mois, le Grand (Alexandre, pas Michel), est coincé à Gaza par la résistance menée par un dénommé Batis, commandant de la place forte (et accessoirement eunuque). Nous sommes fin -332, Alexandre a été blessé 2 fois lors du siège de la ville alors il a un peu les nerfs, ce qui se ressent quand la ville est prise. La garnison est exterminée, la ville pillée et la population est vendue en esclavage. Fallait pas trop le gonfler, Alexandre.
Ca se passe beaucoup mieux en Egypte car ça fait déjà une paire de fois que les Egyptiens se révoltent contre l'occupant Perse et ils voient Alexandre comme un libérateur. Du coup, le boss Perse en place, un satrape du nom de Mazacès, ne cherche même pas à combattre et remet la souveraineté du pays à Alexandre et un petit trésor un peu sympa de 800 talents d'or. Un talent, dans l'Athènes de l'époque, ça équivaut à 27 de nos kilos d'aujourd'hui. Oui, vous avez bien compris, le gars vient de lui refiler l'équivalent de 21,5 tonnes d'or ! Au cours de l'or du moment où j'écris ces lignes, 1 kg d'or (1 lingot) vaut 55 470 €. En Euros, on tape donc à 1 milliard, 198 millions et des brouettes ... Et tout ça, sans même sortir le glaive du fourreau. C'est tout de même mieux que le butin en aromates saisi à Gaza (même si leur valeur était assez considérable).
Chose logique, il est proclamé Pharaon à Memphis début -331, fait toutes les offrandes de rigueur aux dieux Egyptiens (et aussi aux siens, histoire de pas s'attirer de problèmes) et met le cap dans la foulée sur la côte où il choisit un emplacement et se dit "tiens, je vais construire une ville ici et en plus, je lui donnerai mon nom". Ce sera, vous l'aurez compris, Alexandrie (rrraaah !).
Sachez qu'Alexandre ne verra ni le fameux phare, ni la bibliothèque, ni le musée, puisqu'ils seront construits sous Ptolémée II, environ 50 ans plus tard.
En pèlerinage dans l'oasis de Siwa, le nouveau Pharaon y rencontre l'oracle de Zeus Ammon (oui, on faisait des cocktails de dieux à l'époque) qui lui aurait déclaré qu'il était le descendant direct du dieu Amon / Zeus. Bon, il y en a qui disent aussi que le gars ne maîtrisait pas la langue et qu'il aurait fourché sur une syllabe. L'affectueux "mon fils" se serait transformé en "fils de Zeus". Ayant quelques connaissances de Grec ancien (si si, pour de vrai), ce n'est pas improbable et une fin de mot peut tout chambouler !
Sur ce, retour sur la route de Memphis (wohou wohou wow, sur la routeeuh de Memphis ...), où il revient pour se faire officiellement couronner dans le temple de Ptah (le dieu de la ville, époux de Sekhmet).
Il prend tout de même le temps de réorganiser le pays avant de retourner conquérir l'Orient. Eh ouais, c'est bien beau les Pyramides, tout ça, mais y'a du boulot de l'autre côté.
Il met à la tête du pays (enfin, surtout des finances) un Grec nommé Cléomène qui connaît bien le patelin.
Pendant ce temps, la flotte Perse en mer Egée est en déroute et c'est avec un paquet de prisonniers, dont le commandant (Pharnabaze III, qui s'échappera par la suite), que l'Amiral Hégélochos vient rendre compte de tout à Alexandre. Les forces restées en Europe peuvent donc se concentrer sur le roi de Sparte (qui fait copain copain avec Darius) et tenter de le calmer un petit peu. Alexandre flippe un peu par rapport à la situation au pays car, si les cités Grecques sont loyales, ben ça a l'air de pas tenir à grand chose. Ca le préoccupera tout au long de -331.
C'EST LA LUTTE FINALE
A la fin du printemps -331, tout ce petit monde quitte l'Egypte et se met en marche en direction de l'Euphrate. Les éclaireurs rapportent alors la présence de l'armée Perse plus au nord. Alexandre délaisse alors Babylone, qui était sa destination initiale et met le cap au nord, franchit le Tigre fin septembre et contourne Darius, reprenant la direction du sud avec le Tigre à sa droite. Les éclaireurs sont formels : l'armée Perse les attend dans une vaste plaine et sont largement supérieurs en nombre. "On s'en fout", déclare Alexandre, "on les marave !"
Ce qu'il fit. La bataille de Gaugamèles est l'une des plus importantes de l'Antiquité. On peut la situer dans le nord de l'Irak actuel, à l'est de la ville de Mossoul.
Darius est prêt et attend le macédonien de pied ferme. Il a eu le temps de faire enlever les cailloux pour que ses chevaux et ses chars puissent circuler sans problème (il faut dire qu'il avait la main d'œuvre pour ce genre de choses).
L'ordre de bataille est un tout petit peu déséquilibré. D'un côté, Darius aligne 277 000 fantassins, 23 000 cavaliers, 200 chars et 15 éléphants de guerre.
Alexandre dispose de 40 000 soldats (dont 31 000 phalangistes) et 7000 cavaliers.
Oui mais pour constituer son armée, Darius est allé piocher dans tous les coins de son empire. Ce qui signifie ethnies, langages, tactiques, culture et équipement différents. Allez combattre de manière cohérente avec ça (c'est un peu ce qui se passera avec la flotte Franco-Espagnole lors de la Bataille de Trafalgar).
Alexandre, lui, dispose de gars expérimentés, entraînés, habitués à bosser ensemble, bien équipés.
Devant la supériorité numérique ennemie (les chiffres sont, encore une fois, à prendre avec des pincettes), Alexandre place ses troupes de façon à occuper au maximum le terrain de cette large pleine, en plaçant la cavalerie sur les flancs, de façon à contourner l'armée ennemie et la prendre à revers. Parménion dirige le flanc gauche, Alexandre mènera le flanc droit, sur son célèbre cheval Bucéphale (qui sera le nom du navire amiral français lors de la Bataille de Trafalgar. J'arriverai à lui faire faire une illustration de Nelson, à Redpaln !).
Darius, pas fou, commandera perché sur son char, bien à l'arrière et bouge ses troupes le premier. Mais sa manœuvre est anticipée par Alexandre, qui garde ses distances, ce qui oblige une partie des Perses à le suivre. Darius tente d'enfoncer le centre adverse avec ses chars à faux (oui, des saletés avec des lames sur les côtés destinées à faucher les guibolles des ennemis), mais leur attaque foire complètement, les phalanges macédoniennes s'écartant à leur arrivée et se refermant sur eux ensuite. Cette arme aussi mesquine qu'inefficace stratégiquement, sera progressivement retirée du service et ne jouera plus de rôle déterminant sur le champ de bataille.
Au même moment, Alexandre, à la tête des Compagnons (ou hétaïres), sa cavalerie lourde, se dirige vers une colonne montée Perse. Mais soudain, pif pouf, il change de direction. Derrière sa cavalerie étaient dissimulés les peltastes, l'infanterie d'élite légère, qui lancent l'attaque et bloquent les cavaliers Perses !
Le centre de l'armée ennemie est dégarni et Alexandre fond sur Darius directement. Il avait pensé, avant la bataille, qu'en raison de la supériorité numérique ennemie, la meilleure tactique était d'éliminer son chef, en espérant que l'armée se rendrait.
Darius, encore une fois, prend la fuite ...
Mais sur le flanc gauche, Parménion a quelques soucis avec le satrape Mazaios. Alexandre abandonne donc la poursuite du souverain ennemi pour se porter en renfort de son général. Les difficultés de communication font que les Perses ont du mal à se replier (s'ils parviennent seulement à recevoir l'ordre) et, après plusieurs heures de combats, la victoire macédonienne est totale.
Darius parvient à s'enfuir avec ses Immortels (ses propres troupes d'élite), mais doit abandonner son trésor (4 000 talents d'or) et ses armes personnelles.
Après cette victoire écrasante et la disgrâce de Darius, Alexandre est couronné Roi d'Asie lors d'une cérémonie fastueuse (où l'on servira de la faste food, certainement). En octobre -331, il entre en vainqueur à Babylone. Notons que Mazaios se met alors au service du macédonien (écoutez L'Opportuniste de Dutronc, ça lui va bien !). Quant à Darius, il mourra moins d'un an plus tard, dans les montagnes de Médie, assassiné par ses satrapes.
PENDANT CE TEMPS, A VERA CRUZ
Enfin, non, plutôt en Grèce, les choses ne se passent pas aussi bien. Antipater, à qui Alexandre a confié le gouvernement de la Macédoine et de la Grèce, a des soucis avec, principalement Agis III, Roi de Sparte. Oui, encore lui. Il engage des pirates, tente de faire se soulever une coalition anti macédonienne, notamment avec Thrace, bref, il casse sérieusement les bonbons.
Suivant les ordres d'Alexandre, Antipater envoie presque toutes ses forces (environ 40 000 hommes) vers le Péloponnèse. L'objectif : s'occuper d'Agis III façon nœud gordien (dans Les Barbouzes, on dit "façon puzzle").
Parce que le père Agis, là, il fait son malin, il sème la pagaille à droite à gauche, mais il n'a que 20 000 hommes et 2 000 cavaliers ...
On n'attaque pas un ours si on a seulement un Opinel sur soi. A l'automne -331, la bataille de Mégalopolis met un terme aux agissements du roi Agis, à son armée et à sa vie. Dans la foulée, la Grèce apprend la victoire d'Alexandre sur l'empire Perse. Autant dire que Sparte négocie rapidement une paix avec Antipater et que la grogne dans le monde Grec s'estompe. Là, le gamin il n'a plus rien à prouver, autant l'accepter pour chef !
De son côté, Alexandre ne s'arrête pas là, il faut prendre Persépolis !
Après quelques péripéties, notamment dans les montagnes du sud-ouest de l'Iran actuel, il parvient, fin janvier -330, dans la capitale.
Après un pillage en règle, les palais sont incendiés quelques mois plus tard. On pense à un acte délibéré et symbolique de la part du macédonien. N'oublions pas que Xerxès Ier avait incendié Athènes lors des guerres médiques en 480 ! Œil pour œil, dent pour dent ...
A l'été -330, Alexandre est toujours à la poursuite de Darius III dans les montagnes mais a toujours un wagon de retard. Il finit enfin par rattraper le convoi de l'empereur déchu, mais celui-ci a été assassiné par ses hommes, comme je vous le disais plus haut. Alexandre rend les honneurs royaux à son ennemi défunt. Il fera courir le bruit que Darius, agonisant, l'aurait chargé de le venger de ses assassins. Du coup, il devient un peu le successeur légitime du roi mort et le fait ensevelir dans les tombes royales de Persépolis. La noblesse Perse se rangera en masse du côté du macédonien.
Poursuivant les satrapes ayant assassiné Darius, il en épargne un dans un premier temps, mais celui-ci se révolte et s'enfuit. Il sera finalement tué dans un affrontement. Un second est capturé, est livré à Alexandre et est mis à mort. Le dernier, Bessos, celui qui aurait porté les coups fatals, s'est autoproclamé roi et s'est réfugié en Bactriane (grosso modo l'Ouzbékistan). Qu'à cela ne tienne, ce n'est que partie remise.
Mais même dans ses rangs, Alexandre a des soucis à se faire. Des rumeurs de complots mènent à l'exécution de Parménion et de son fils Philotas. On pense que ces rumeurs pourraient n'être qu'un prétexte pour se débarrasser d'officiers puissants et un peu trop critiques à l'encontre de leur souverain. D'ailleurs, peu de temps après, Alexandre procédera à des réformes dans la hiérarchie de son armée.
Ceci fait, il reste un truc qui démange Alexandre : Bessos. Fin -330, il fonde l'actuelle Kandahar et remonte vers la Bactriane. Bessos fuit mais est finalement capturé par les nobles de Sogdiane qui ne veulent pas se mettre le nouveau chef de l'Empire Perse à dos.
C'est le Général macédonien Ptolémée qui est chargé de capturer le régicide, début 329. Bessos est d'abord conduit à Bactres où, selon une chouette coutume Perse, on lui coupe le nez et les oreilles. Ensuite, il est emmené à Ecbatane pour y être exécuté. Fun, hein ?
Alexandre terminera son périple dans la région par la conquête des Hautes satrapies (ce qui lui prendra un poil plus de 2 ans, de 329 à 327). C'est assez compliqué, car les Perses y maintenaient une souveraineté toute relative et imposer son autorité ne sera pas évident pour le macédonien. Batailles, sièges, discussions, tout y passe pour sortir de là !
Mais le comportement d'Alexandre fait que ça commence à râler un peu en coulisses.
L'un des événements marquants se déroule début 328, quand, après avoir picolé plus que de raison, il tue l'un de ses amis d'enfance, Cleitos. La raison : ce dernier a eu le malheur de vanter les mérites de Philippe II plutôt que ceux de son ami. Ouaip, Alex avait le vin mauvais, mais alors, bien, bien mauvais. Evidemment, quand il a dessaoulé, ça a été un sacré coup et il lui a offert des funérailles grandioses, mais ça n'excuse rien et l'événement marquera pas mal l'entourage du jeune empereur.
Autre point qui fait grincer des dents, la tentative d'Alexandre d'imposer l'étiquette perse aux macédoniens, notamment la prosternation rituelle devant l'autorité. Devant les protestations, portées par Callisthène, l'historiographe attitré d'Alexandre, ce dernier renonce et ne conserve cette pratique que pour ses sujets asiatiques.
Mais la grogne vient aussi de l'importance qu'il donne aux perses dans l'administration et l'armée. Par exemple, il recrute 30 000 jeunes du coin et les arme à la macédonienne. Pourquoi pas, mais là où ça coince, c'est que d'un autre côté, il démobilise les troupes de chez lui ! Plusieurs Perses sont aussi nommés à des postes de commandement. Pour les Macédoniens, il est clair que pour leur chef vénéré, les Perses ne sont plus les vaincus, mais leurs égaux, ce qui va froisser le leur ... d'ego ...
Ce qui rajoute de l'huile sur le feu, c'est également son mariage avec une perse (Roxane), fille d'un noble de Bactriane. C'est elle qui lui donnera son premier fils, bien que tous deux connaîtront un destin funeste.
A l'été 327, une conspiration voit le jour, dans le but probable d'assassiner l'empereur. Elle naît du désir de vengeance de l'un des pages d'Alexandre qui, au cours d'une partie de chasse, avait tué une proie destinée au roi et s'était donc fait punir par la suite. Cet incident paraît anecdotique, mais s'ajoute à la longue liste d'exigences, voire de caprices d'Alexandre, ce qui amènent certains à le considérer comme un tyran.
Cette "conjuration des pages" est, évidemment, sévèrement réprimée et tous seront torturés et exécutés. Callisthène (neveu d'Aristote), qui était vraisemblablement impliqué, et qui ne se gênait pas pour se moquer des prétentions divines de son empereur (ce qui n'était pas très malin), sera jeté en prison et y mourra quelques mois plus tard.
PINTADE RURALE. EUH. NON, CAMPAGNE D'INDE
Il reste une bonne partie de l'ex-empire de Darius qui n'appartient pas encore à Alexandre : l'Inde. Il faut dire que, en plus du territoire lui-même, les retombées commerciales ne sont pas négligeables !
C'est à la tête d'une armée de 120 000 hommes (dont la moitié seulement sont gréco-macédoniens), qu'Alexandre se met en route vers le Pendjab au printemps 327.
Ce ne sera pas une partie de plaisir, car il faudra près d'un an pour conquérir ce qui est aujourd'hui la vallée du Peshawar au Pakistan et un long siège pour faire tomber sa capitale, Massaga.
Le principal adversaire est un certain Pôros, sorte de chef de guerre local, qui dispose d'une armée assez conséquente. Après une bataille particulièrement violente, où les cavaliers asiatiques de son armée montrent leur valeur, Alexandre remporte la victoire ... mais perd son fidèle cheval Bucéphale. Et comme il aimait beaucoup ce fichu canasson, il lui dédie carrément une ville, Bucéphalie. Remarquez, il fera pareil à la mort de son chien, Péritas.
Il laisse le Pôros en question au pouvoir, après s'être assuré de sa soumission, mais à peine Alexandre parti, une révolte éclate. Le macédonien envoie donc des troupes sur ses arrières et envisage une démonstration de force pour faire plier les petites républiques de l'est du Penjab. Mais, à l'automne 326, c'est dans sa propre armée que la révolte gronde et, surtout, dans les rangs gréco-macédoniens. Le porte-parole de ce mouvement n'est autre que Coénos, le big boss des phalanges. Les hommes en ont marre. Ils sont fatigués (après 8 années de campagne au total !) et le favoritisme du roi à l'égard des peuples asiatiques intégrés à ses troupes entraîne à son tour un début de désaffection de ses concitoyens servant sous ses ordres. Ils se disent aussi que les combats à venir seront aussi, voir plus durs et ils aimeraient bien pouvoir profiter du butin accumulé. Parce que, effectivement, à quoi bon être riche si on est mort ...
Après s'être retiré sous sa tente pendant 3 jours, tel un Achille boudeur après une altercation avec Agamemnon, Alexandre cède. C'est le signal du retour. La rive de l'Hyphase, un affluent de l'Indus, sera le point le plus à l'est atteint par les conquêtes d'Alexandre le Grand.
Cependant, le voyage de retour ne sera pas de tout repos. Décidant de sécuriser toute la vallée de l'Indus (mais oui, c'est tellement un tout petit territoire, facile !), il fait construire une flotte de 1000 navires (là encore, fastoche !) pour descendre les affluents consécutifs et rejoindre le fleuve Indus. Si certaines peuplades se soumettent rapidement, Alexandre devra faire face à une rébellion après qu'il ait fait l'erreur d'attaquer une ville peuplée presque exclusivement de brahmanes (une des hautes castes). Il sera d'ailleurs grièvement blessé et nécessitera une longue convalescence, puisque ce n'est qu'au printemps 325 que le périple reprend et que l'armée atteint enfin l'océan Indien sur le littoral duquel un port, des arsenaux et des citernes sont construits.
Juillet 325 marque l'heure du retour vers Babylone. Ce voyage sera en fait le plus éprouvant de toute la campagne. L'armée est divisée en 3 corps, dont un qui sera chargé, commandé par Néarque, à bord d'une centaine de navires, de rejoindre l'embouchure du Tigre et de l'Euphrate en partant de celle de l'Indus et créer ainsi une nouvelle route maritime.
Pour ce faire, il faut qu'une armée à pied longe la côte et assure la logistique sous la forme de dépôts de vivres placés au préalable.
Alexandre décide de diriger cette partie du programme avec 25 000 hommes. Attention, quand je dis 25 000 hommes, je parle uniquement des combattants. N'oublions pas qu'une armée en campagne embarque tout un petit monde ! Artisans, ouvriers, porteurs, etc, mais aussi, femmes et enfants ! Ce qui ajoutera au drame de cette expédition.
Les peuplades côtières étant trop pauvres pour approvisionner l'armée, Alexandre envoie la moitié de sa troupe sur la route des caravanes du nord afin de demander le soutien logistique des Gédrosiens, des cultivateurs des vallées de Makran, une région semi-désertique qui se situe entre le sud-est de l'Iran et va jusqu'au nord-ouest de Karachi (Pakistan).
Alexandre, lui, continue par le sud de la région, qui est particulièrement inhospitalier. Marécages salés, peu d'oasis, le rêve, quoi. Evidemment, tout ne se passe pas comme prévu, puisque les Gédrosiens se révoltent et Alexandre doit dire adieu aux vivres escomptés ! Lors du pénible voyage de 700 km (rien que ça), la brusque montée d'un torrent emporte une grande partie du convoi regroupant les femmes et enfants et les attelages.
On estime qu'environ 6 000 personnes seraient mortes, au choix : de faim, de soif ou d'épuisement, pendant cette traversée du désert au sens propre. Pour couronner le tout, tous les chevaux et les bêtes de somme périssent également.
La cerise sur le gâteau ? L'expédition est un échec puisque l'armée terrestre et l'expédition navale ne se rejoindront jamais ...
Celle-ci, sur 1 300 km et 80 jours de mer, a dû faire face aux tempêtes, au manque de nourriture (les dépôts laissés par Alexandre sur sa route ont été pillés) et aux menaces de désertion (ouais, là les gars en ont vraiment marre).
Ce n'est qu'à Ormuz que Néarque retrouve enfin Alexandre.
GAME OF THRONES A LA MACEDONIENNE
En 325, Alexandre est en Carmanie, en Iran actuel. Tout part un peu à vau l'eau dans l'empire. La rumeur de la mort d'Alexandre a provoqué une défection de bon nombre de mercenaires Grecs de son armée, des rébellions éclatent à droite, à gauche dans les provinces sur lesquelles il n'a plus de contrôle direct, certains de ses hommes de confiance, qu'il a placé à la tête de pays, font un peu ce qu'ils veulent, le trésorier royal (et ami d'enfance), se fait la malle, bref, c'est un bronx à la mesure de l'étendue de son empire ! Répressions, exécutions, remaniements à l'état-major, c'est une crise majeure qui occupera le macédonien pendant près d'une année.
Sur le chemin du retour vers Babylone (une nouvelle fois), Alexandre s'arrête à Suse début 324. Là, il organise des noces monumentales entre 10 000 gréco-macédoniens et des femmes Perses et Mèdes. Lui-même épouse Stateira, la propre fille de Darius III.
L'usage du cérémoniel Perse n'est pas vu d'un bon œil par les macédoniens qui voient leur empereur, je cite (en quelque sorte), "abandonner les mœurs de leur patrie pour s'approprier ceux des barbares".
Il prendra plusieurs mesures, essentiellement sous forme de cadeaux, pour apaiser les tensions. Il offre les dots et propose que les fruits de ces unions soient élevés à la macédonienne en vue d'intégrer l'armée, une fois en âge. Mouais, bof.
Et ça ne va pas en s'arrangeant, vu qu'une révolte éclate au sein de l'armée au printemps 324. A Opis, sur le Tigre, au nord de Babylone, plus précisément. Les raisons ? L'importance de la place accordée aux asiatiques au sein de l'armée. Oui, ça couve depuis un moment, ça. D'autre part, Alexandre déclare qu'il gouvernera l'empire depuis l'Asie, et non plus depuis Pella, sa terre natale, contrairement à la promesse qu'il avait faite 2 ans avant. Trahison !
Ni une, ni deux, la répression contre les mutins se traduit par l'exécution de 13 des meneurs. Il enchaîne par un discours habile à ses troupes où il fait leur éloge. Ca devait être une sacrée harangue, parce que, du coup, ça se tasse ...
Pour enfoncer le clou, il se retire (encore) sous sa tente et ne s'adresse plus qu'aux Perses. Les Macédoniens finissent par le supplier de leur rendre leur poste à ses côtés et renouvellent leur serment de le servir où qu'il ira. Oui oui, c'est du chantage affectif ! Le plus fort, c'est que ça marche ! Les troupes sont apaisées, les Perses gardent leur place dans l'armée, bref, pour Alex, c'est tout bénèf.
Pour autant, tout n'est pas rose et les gens ne sont pas dupes : le centre de l'empire sera désormais en Asie. Plusieurs milliers de soldats sont libérés du service et rentrent en Macédoine.
Eloigné des cités grecques, toujours sous la gestion d'Antipater, Alexandre se rappelle à leur bon souvenir (il a besoin de mercenaires et de colons Grecs). A l'été 324, il tente des mesures censées prôner la concorde, mais, dans l'ensemble, cela produit l'effet inverse. L'impopularité du roi est croissante, d'autant qu'il réclame désormais un culte personnel. Il souhaite en effet recevoir un culte public en tant que "Dieu Invaincu". Pfiou, sacré melon le chef !
Juste après la mort de son favori Héphaistion, qui conduira à des funérailles dignes de celles d'Achille pour Patrocle, et après un détour par les montagnes de Médie où il écrase le peuple des Cosséens, Alexandre se rend à Babylone à l'été 324.
Il y reçoit les ambassadeurs de nombreuses cités grecques et d'états voisins, mais Athènes ne se prive pas d'émettre des réserves sur plusieurs mesures, dont celle des honneurs divins dorénavant dus au roi.
Depuis Babylone, Alexandre ordonne l'exploration de la Mer Caspienne et des côtes de l'Arabie, dans le but de faciliter les communications entre les différentes parties de son empire. Il lance aussi de nouveaux recrutements qui font passer le rapport de troupes Perses à 12 pour 4 Macédoniens.
C'EST DEJA LA FIN
C'est par la retranscription des Ephémérides royales du chancelier Eumène, par Plutarque et Arrien, que nous connaissons le déroulé des derniers jours d'Alexandre III, du 27 mai au 10 juin 323.
Bon, déjà, Plutarque nous apprend qu'il y a des signes funestes. Genre la couronne emportée par le vent alors qu'Alexandre navigue sur l'Euphrate. Puis, à Babylone, un inconnu s'assoit sur son trône (ce qui lui vaudra une exécution gratuite). A une époque où on guette les signes divins, c'est plutôt mauvais.
Puis, le 28 mai, les fêtes dionysiaques battent leur plein et Alexandre, qui ne se fait jamais prier dans ces occasions, fait la tournée des banquets. Et à l'époque, question picole, ça fait pas semblant.
Le 30 mai au soir, alors qu'il participe à un banquet tenu par un certain Médios, Alexandre serait pris "d'un accès de fièvre" et, assoiffé, il boit d'une traite une grande coupe de vin pur. Oui, pur ! Alors qu'à l'époque, il est systématiquement coupé d'eau (et accessoirement agrémenté de miel, d'épices, etc).
Dans la foulée, il est pris de douleurs et quitte la table. Il se met à délirer (bon, après une beuverie, ça peut arriver, hein).
Mais, dès le lendemain, une forte fièvre s'abat sur lui. Jusqu'au 4 juin, il parvient toujours à donner des consignes et des ordres en vue de l'expédition prochaine en Arabie. Le 5, son état s'aggrave. Plus question de gérer quoi que ce soit.
Le 7 juin, s'il parvient toujours à reconnaître ses officiers, il ne peut plus parler. Oui, c'est pas rassurant ...
Le 8, sa température monte encore. Ses hommes, le croyant déjà mort, défilent dans sa tente pour le saluer. Encore conscient, il les salue en retour en silence.
Il s'éteint à 32 ans, dans la nuit du 10 au 11 juin -323.
LES EXPERTS BABYLONE
Ainsi disparaît un personnage marquant de l'histoire de l'humanité.
Mais de quoi est-il mort ? Mettez votre blouse blanche et vos gants en latex, nous allons enquêter un peu ...
A cette époque, pas mal de saletés circulent. Selon les historiens, la cause la plus probable serait une crise aiguë de paludisme, qu'il aurait contracté durant l'exploration des marécages de l'Euphrate. Il en aurait souffert pendant plusieurs semaines. Les symptômes de cette maladie, très répandue dans le bassin méditerranéen, sont une soif persistante et une sorte de torpeur.
Ceci dit, cela pourrait aussi correspondre à la fièvre typhoïde, tout aussi courante, ou encore à la fièvre du Nil occidental (diffusée, comme le paludisme, par les piqûres de moustiques).
D'autres historiens émettent l'hypothèse, devant les douleurs déclarées lors du dîner, que la mort pourrait être due à la perforation d'un ulcère gastrique (ou d'une pancréatite aiguë).
On évoque aussi une surconsommation d'ellébore, une plante médicinale.
Un autre diagnostic, moins flatteur, donné par l'anatomo-pathologiste Philippe Charlier, donne la description suivante : "Homme jeune, 32 ans, déplacé sur le plan géographique, mauvaise hygiène de vie sous-jacente, alcoolisme chronique, polyparasitose".
Une autre piste, évoquée par la professeure Katherine Hall, de l'Université d'Otago en Nouvelle Zélande, est celle d'un variant d'une maladie auto-immune, celle de Guillain-Barré, dont les symptômes correspondraient à la description.
Mais, que serait la mort d'Alexandre sans une petite théorie du complot de derrière les fagots ? Celle-ci date de -317 et accuse les fils d'Antipater (le "gérant" des cités grecques) d'empoisonnement. Elle est contestée par Plutarque et Arrien, d'ailleurs.
Une autre rumeur, encore plus alambiquée, accuse Aristote ! Qui, pour venger l'exécution de son neveu Callisthène, aurait fourni à Antipater lui-même, un poison, tenez vous bien, puisé à la source du Styx ! Ouais, carrément ! Si le mobile d'Antipater aurait pu être valable (Alexandre ayant prévu de le remplacer par Cratère), la rumeur ne tient au final pas la route et aurait été propagée par Olympias (la mère d'Alexandre), pour écarter l'accusé et sa famille (qu'elle n'a jamais pu piffer).
En conclusion, la thèse la plus probable est la maladie, qui touchait énormément de monde à l'époque. Paludisme, typhoïde ou fièvre du Nil, le résultat est le même.
SAVOIR S'ARRETER A TEMPS (ou c'est déjà trop tard ?)
Alors je pourrais doubler la taille de cet article pour vous détailler son génie militaire, ses ambitions pour un empire multiculturel et multiethnique, le culte qui a suivi, son influence dans les milieux militaire ou artistique, sa postérité, les innombrables références dans la culture moderne, dans les religions, débattre de ses qualités et ses défauts, etc, etc, etc, mais le but n'est pas que vous passiez 2 jours et demi à me lire ! Il existe des centaines d'ouvrages détaillés sur la vie de ce jeune conquérant au destin exceptionnel ... et une illustration vachement chouette qui le représente sur son fidèle Bucéphale que vous pourrez vous offrir (ou offrir) en cliquant sur la photo ci-dessous !
Macédoinement vôtre (quoi que ça puisse vouloir dire),
Votre humble et dévoué serviteur
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