Pour beaucoup, Artémis (ou Diane, chez les romains), c’est l’image de la chasseresse et, paradoxalement, l’amie des animaux …
Une sorte d’elfe gracieuse et mortelle, comme on en voit dans les œuvres d’heroic fantasy.
Oui, … ben non.
Parce que notre jeune et fraîche déesse, ben c’est pas une marrante, loin de là !
QUI ES-TU, D'OÙ VIENS-TU ?
Déjà, un peu d’éléments biographiques. C’est la fille de Zeus et la sœur jumelle d’Apollon. Leur mère, Léto, était fille de titans et donc cousine de Zeus. Mais chez les dieux, grecs, égyptiens ou autres, on ne fait pas grand cas de ces liens de parenté quand il s’agit de faire des bébés …
Évidemment, Héra, épouse légitime de Zeus, ne voit pas cette nouvelle coucherie d’un très bon œil et décrète que Léto ne pourra accoucher ni sur terre, ni sur mer. Je vous passe les nombreuses péripéties auxquelles elle devra faire face, mais certains dieux, dont Poséidon, œuvrent en cachette et trouvent finalement une combine. Léto donne naissance à Apollon et Artémis et les garde cachés.
Alors qu’elle a 3 ans, elle fait à papa Zeus certaines demandes bien particulières : un arc et des flèches, bien-sûr, mais aussi le fait de demeurer vierge, d’avoir 60 jeunes nymphes de l’océan, plus une vingtaine d’autres de la forêt en tant que servantes attitrées, la totalité des montagnes (rien que ça) où elle résidera, mais une seule ville à son nom (ah ça va, c’est raisonnable !). Elle déclare également qu’elle n’approchera des cités que lorsqu’elle aura à accomplir la tâche confiée par les Moires, à savoir, aider les femmes en couches.
Papa aime beaucoup sa fille et lui accorde tout ce qu’elle veut, y compris 30 villes au lieu d’une ! Et il rajoute à sa panoplie, les forêts, les chemins et les ports.
Sur ce, Miss Arté (oui, c’était facile comme boutade) s’envole pour la Crète où elle choisit les 20 nymphes qui vivront avec elle et l’assisteront, puis rend visite aux Cyclopes, qui, sympas, lui fabriquent arc, flèches et carquois assortis. Le dieu Pan lui offre quant à lui 13 chiens en guise de meute.
Sur le chemin du mont d’Arcadie, où elle établira sa résidence, elle capture 4 biches géantes aux cornes d’or qui tireront ensuite son char.
C’est le déroulement classique du film où le héros réunit son équipe et rassemble son matériel et ses armes avant d’aller en découdre !
ARTEMIS, FILLE DES ÂGES FAROUCHES
Parce que des victimes, plus ou moins innocentes, elle en a fait quelques-unes !
Déjà, Orion, le grand chasseur. Selon les versions de l’histoire, il s’agissait soit de son amant et elle le tua par erreur, soit il aurait commis telle ou telle faute, soit il l’aurait défiée et aurait gagné, suscitant sa colère. Quoi qu’il en soit, le résultat fut le même, il se prit une flèche dans la poire (ou se fit piquer par un scorpion d’Artémis, c’est selon). Zeus, qui l’aimait bien quand même, le transforma en constellation et on peut toujours le voir dans le ciel d’aujourd’hui.
Un autre confrère chasseur fait lui aussi les frais de l’irascibilité de la déesse. Il s’agit d’Actéon qui, selon l’histoire la plus communément admise, parcourait la forêt en quête de gibier en compagnie de ses chiens. Par le plus grand des hasards, il serait tombé sur Artémis, nue, alors qu’elle se baignait dans un étang. La rencontre fortuite se serait terminée dans un bain de sang : transformé en cerf par la déesse, Actéon se fit chasser et dévorer par ses propres chiens … Quand je vous disais qu’elle n’était pas fun du tout !
Un jeune homme du nom de Sipriotès eut le même genre de mésaventure (décidément, Artémis passait pas mal de temps à barboter !). Cependant, il eut un tout autre destin que celui d’Actéon. La déesse l’aspergea d’eau, le transformant illico en jeune fille, et en fit une nouvelle servante.
Elle prit aussi en grippe Héraclès (son demi-frère, par Zeus) car, dans le cadre de ses douze travaux, il captura et emmena l’une de ses biches aux cornes d’or.
Autre preuve de l’irritabilité d’Artémis, l’épisode du sanglier de Calydon. Dans cette ville, lors d’une cérémonie, le roi Oenée oublie le sacrifice habituel dédié à la déesse. Ni une, ni deux, au lieu d’un avertissement ou d’une tape sur la main, Artémis déchaîne un sanglier géant, qui ravage le pays et décime le bétail !
Remarquez, ça donnera un chapitre épique, parce que, dans l’équipe des chasseurs, il y aura un sacré beau monde ! Voyez plutôt (pas le chien de Mickey) : Thésée (vainqueur de Méduse), Jason (celui de la Toison d’Or), les jumeaux Castor & Pollux, Atalante (disciple d’Artémis elle-même), Echion (fils d’Hermès), Euphémos (fils de Poséidon), Laërte (père d’Ulysse), Pélée (père d’Achille), Iolaos (compagnon d’aventures d’Héraclès), Télamon (père d’Ajax le Grand), Phénix (précepteur d’Achille), Lyncée (pilote du navire de Jason), etc ! C’est la version mythologique de The Expandables, une sorte de All Stars antique !
Et enfin, dans la catégorie poids lourds, nous avons Agamemnon, roi des rois de Grèce et chef de l’expédition militaire en Troade.
Un beau jour, notre bon roi eut la malheureuse idée de proclamer, après une chasse fructueuse, que même Artémis n’aurait pas fait mieux. Evidemment, ce mauvais mot n’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde. Le jour du départ de la flotte grecque pour Troie, Artémis fait tomber le vent et empêche l'appareillage.
Et ça dure ! On finit cependant par connaître ses exigences : pour laver son affront, Agamemnon devra sacrifier sa propre fille, Iphigénie. Oui, pas sympa, mais alors, pas sympa du tout !
Il existe, comme dans beaucoup de légendes grecques, plusieurs versions de l’issue de cet événement. Selon la première, Iphigénie meurt sur l’autel et Artémis fait lever le vent dans la foulée. Ce qui conduira à la rancœur de son épouse Clytemnestre, qui ne lui pardonnera jamais la mort de leur fille. Résultat, Agamemnon, à peine rentré de Troie, au terme du long siège, sera assassiné par l’amant de sa femme, Egisthe.
Dans la deuxième version, Artémis substitue une biche à Iphigénie au moment où s’abat le couteau du prêtre et téléporte celle-ci dans un sanctuaire de Tauride où elle deviendra une prêtresse de la déesse.
Elle se rangera d’ailleurs du côté des Troyens lors de la guerre qui opposera la cité aux troupes du roi des rois.
ET SINON, VOUS FAITES QUOI DANS LA VIE ?
Oui parce que le CV d’Artémis ne se résume pas à “dézinguer des bestioles ou des gens à l’arc”. Elle a bien d’autres fonctions / patronages.
Elle a aussi un rôle d’initiatrice, tant pour les humains et les animaux. Elle est celle qui les accompagne à l’âge adulte. Pour ce qui est des humains, les rites initiatiques sont généralement effectués dans la nature. La déesse étant elle-même à la frontière entre la nature sauvage et le monde civilisé.
Etrangement, c’est une déesse vierge, mais en même temps, la protectrice des accouchements …! Pour quelqu’un qui a fait vœu de chasteté et l’a imposé à toutes ses servantes, reconnaissez que c’est un peu étrange.
En fait, ses cultes sont rattachés aux moments clés de la vie de la femme : naissance, puberté et mort. Elle partage avec son frère Apollon le pouvoir de propager (ou de guérir) des maladies (cf. la vengeance de ce dernier contre les Grecs dans l’Iliade), bien qu’on ne lui attribue pas spécialement d’épidémie spécifique.
Et, comme je le disais plus haut, papa Zeus lui a accordé la protection des chemins (ok, parce que ça se passe dans la nature et c’est son domaine), mais aussi … des ports ! Ca, c’est plus difficile à comprendre, vu qu’Artemis ne s’approche jamais de la mer (à part lors de la Guerre de Troie, mais c’est anecdotique).
Avec Hécate et Séléné, elle fait partie de la triade de déesses associées à la Lune, par opposition à son frère Apollon.
Ce sera peut-être la nouvelle Sainte Patronne des astronautes, puisque le nouveau programme lunaire de la NASA se nomme Artemis (alors que celui de 1969 portait le nom d’Apollo) !
POUR FAIRE COURT :
Artémis, c’est la vierge, non pas effarouchée, mais au contraire farouche ! Celle qui éblouit par sa beauté sauvage et vous plante une flèche dans chaque œil pour avoir osé la regarder. Elle est libre et entend le rester, dans tous les sens du terme. Avec elle, que vous soyez un héros glorieux, un demi-dieu invincible ou un résident permanent de l’Olympe, c’est la friendzone assurée !
C’est tout cela qui la rend attachante. C’est l’électron libre (pas autant qu’Hermès, ceci dit) de l’Olympe. Imprévisible, impulsive et surtout, libre !
Autant d’atouts qui vous donneront envie d’encadrer un des tirages signés de l’illustration de Redpaln qui rend si bien hommage à Artémis !
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