S'il y a un événement marquant dans la carrière pré-impériale du général Bonaparte, c'est bien celui du Pont d'Arcole. Comme dans les films, Napoléon se rue vers l'ennemi, drapeau en main, tandis que les balles fusent autour de lui. Mais il y a plus à en dire ! C'était une vraie bataille, et pas une petite et elle mérite qu'on en parle un petit peu plus.
QuI, QuOI, Où, QuAND ?!
Oui, il nous faut un peu de contexte tout de même, alors allons-y !
Un commencement est un moment délicat. Sachez que nous sommes en l'An 10 191 ... Hum. Non, ça c'est l'introduction du film Dune de David Lynch ... Y'a bien un empereur, mais ça n'a rien à voir. Reprenons.
Nous sommes le 15 novembre 1796 (ou le 15 brumaire, an V, si vous aimez vous compliquer la vie) et au beau milieu de la première campagne d'Italie.
Bonaparte engrange les succès et ça angoisse le Saint-Empire, qui envoie une nouvelle armée autrichienne, celle du Feldmarshall Alvinczy, pour tenter de le repousser.
Si Bonaparte défait Alvinczy à Brenta, en Lombardie, le général Vaubois est, quant à lui, vaincu à Rivoli Veronese, puis à la Corona. A cause de ces défaites, Bonaparte se replie vers Vérone mais échoue à prendre la petite ville de Caldiero. Laissant le général Kilmaine gérer la situation dans le coin, notre futur empereur se porte à la rencontre des Autrichiens en longeant le fleuve Adige.
Voilà pour la mise en place du décor. Maintenant : musique !
PONT PONT POOOONT ...! (MuSIQuE D'AMBIANCE)
Arrivée à Ronco, en Vénétie, l'armée de Bonaparte traverse l'Adige et met le cap sur le village d'Arcole. Mais pour ça, il faut traverser un affluent du fleuve pré-sus-ci-nommé, l'Alpone. Et pour ça, il y a un pont. Jusqu'ici, la manœuvre semble simple. Mais c'est sans compter Josef Alvinczy, qui se tient sur la rive opposée avec tout un tas de copains. Tout de suite, ça paraît un peu plus hasardeux.
Faisons un petit point sur l'ordre de bataille.
Côté français, Bonaparte dispose de 19 000 hommes, menés par Masséna, Augereau et Lannes.
Chez les Autrichiens, Le Baron Alvinczy dirige, avec les généraux Davidovitch et Mittrowsky, pas moins de
24 000 soldats.
Côté rapport de forces, on a vu pire, mais on a vu mieux ! Les Français sont short de 5 000 hommes.
Et donc, les Autrichiens, sous le commandement du général Anton Ferdinand Mittrowsky, tiennent le village d'Arcole. Et comme le seul chemin pour aller les déloger passe par le pont (d'Arcole ...), les Français tentent la traversée. Evidemment, les Autrichiens ne sont pas emballés par l'idée et font feu de tout bois !
Augereau est mis en échec par les tirs ennemis aux abords du pont. Masséna, lui, s'embourbe dans les marais des alentours. La situation n'est pas bien plus reluisante pour Lannes qui tente la traversée avec 2 bataillons et sera blessé deux fois dans la tentative. Heureusement, Augereau (coincé ici lui aussi), l'appuie avec 3 bataillons et assure la retraite, ce qui permettra à Lannes d'être évacué sur Ronco pour recevoir des soins.
TEL LE FAMEuX CARIBOu ...
Oui, parce qu'il fallait en avoir pour faire ce que fit Augereau. En effet, c'est lui le premier qui s'empara d'un drapeau et se précipita à la charge du pont pour tenter de faire bouger ses troupes, figées et découragées par le feu ennemi.
Mais, malheureusement, derrière, ça ne suit pas. C'est alors que Bonaparte en personne arrive à cheval, accompagné de son état-major. Il voit Augereau et se dit qu'il y a peut-être un coup à jouer. Il démonte, tire son sabre et s'empare d'un drapeau lui aussi.
Il s'élance à son tour sur le pont, les généraux se précipitent derrière lui, mais le gros de l'armée, là non plus, ne suit pas. Les balles sifflent de toute part. La petite troupe parvient tout de même jusqu'à mi-chemin avant de se faire repousser par des tirs venus depuis le flanc.
Lannes, que rien n'arrête, visiblement, pas même deux balles, surgit à cheval avec ses grenadiers. Ce sont ces derniers qui se précipitent sur Bonaparte et plongent avec lui dans le marais. Barbotant dans la bouillasse jusqu'à la ceinture, le petit groupe tente un repli vers la berge tenue par les Français. Lannes et Muiron (aide de camp de Napoléon) font rempart de leur corps. Lannes est touché, plus grièvement, cette fois, par une troisième balle, tandis que Muiron meurt sur place. Le général Robert est également gravement touché. On peut aussi citer les généraux Verdier, Bon et Verne.
PAR LA RuSE
Pendant que ça défouraillait sec du côté du pont, Masséna, quant à lui, tentait une traversée un peu plus loin. Avec le même "succès", malheureusement. Mis au courant, Bonaparte tenta de lui porter secours, mais, derechef, se retrouva englué en plein marécage ... Décidément, quand ça veut pas ... Il sera sorti de ce mauvais pas par le général Belliard.
Bon, en force ça passe pas. Qu'est-ce qu'on peut faire ? Se demande certainement Bonaparte. La petite ampoule proverbiale et cartoonesque (qui n'a pas encore été inventée) apparaît soudain au-dessus de la tête du Corse vindicatif. Bon sang ! Mais c'est bien sûr !
Il ordonne à ses tambours de se faufiler en Austin Mini (ou un autre truc qui finit en "mini") de l'autre côté du fleuve et de se mettre à jouer aussi fort qu'ils le peuvent sur les arrières des Autrichiens.
Après avoir bien galéré pour passer à gué avec leur matos, les tambours arrivent en position et s'en donnent à cœur joie. Et ça marche ! Alvinczy, persuadé que des renforts Français sont arrivés et les prennent à revers, fait sauter sa défense imprenable du pont et se lance à la poursuite de ces troupes fantômes. Masséna traverse le pont, tandis qu'Augereau passe à gué. Le sort en est jeté pour les Autrichiens, qui se font prendre en tenaille par l'armée française et sont défaits. Pfiou. C'était chaud !
Dans la bataille, qui dura du 15 au 17 novembre 1796, les Français font état de 3 500 morts ou blessés et de 1 300 prisonniers. Mais, dans le même temps, ils ont tué 535 ennemis, en ont blessé 1535 et capturé 4141.
IL EST Où MON DRAPEAu ?!
Il fut récupéré et envoyé au Directoire qui, en 1798, le restitua à Bonaparte. Pour remercier Lannes de son action qui lui sauva la vie, Napoléon lui en fit cadeau. Il demeura dans la famille du duc de Montebello pendant de nombreuses années, mais, à une date inconnue, il disparut de la circulation. A ce jour, aucune trace de ce souvenir historique n'a été trouvée.
Ne nous reste que sa description ! Sachez que toute illustration ou peinture montrant Bonaparte portant le drapeau tricolore est fausse. Eh oui ! A l'époque, et suite à un décret de 1794, si les drapeaux devaient porter le bleu, le blanc et le rouge, leur disposition était laissée à la discrétion des chefs de corps, qui, comme on dit, laissaient libre cours à leur fantaisie ! Le drapeau brandi par Napoléon, celui d'un des bataillons de la 5ème demi-brigade, était blanc et comportait des losanges rouges et bleus disposés aux quatre angles. C'est, bien évidemment, celui que vous pouvez voir sur l'illustration de Redpaln, qui ne fait pas n'importe quoi avec l'Histoire, appuyée en cela par des historiens spécialisés, comme David Chanteranne et Thierry Lentz (entre autres) et la Fondation Napoléon.
Voilà un nouveau petit article relatant un événement, plutôt qu'un long pavé comme je sais si bien les faire centré sur un seul personnage. Comme toujours, vous pouvez vous offrir l'illustration en cliquant dessus et je vous rappelle également qu'elle est tirée du livre Napoléon (textes de David Chanteranne et illustrations de Redpaln), dispo ici ! Ce qui ne veut pas dire que je ne remettrai pas ça un de ces quatre ...!
En attendant, je vous souhaite une bonne semaine et je vous donne rendez-vous vendredi prochain, si tout va bien !
Pavoisement vôtre,
Votre humble et dévoué serviteur,
Comments