Le Général Antoine Charles Louis, comte de Lasalle. S’il n’est pas un des plus célèbres héros des campagnes Napoléoniennes, il mérite TRÈS largement qu’on s’attarde sur son cas (Redpaln avec sa magnifique illustration, et moi avec un modeste article) !
Prenez un film d’action de série B des années 70-80, avec son héros regroupant tous les clichés : viril, moustachu, sans peur, buveur, fumeur et coureur de jupons, toujours en tête de la charge. Aujourd’hui, on n’y croirait plus. Eh bien ce gars-là (pas Jacques), a bel et bien existé.
Lasalle gosse
Lasalle, c’est un peu le Maréchal Ney, sans les polémiques autour. Pas d’opportunisme, de retournement(s) de veste, juste de l’audace, de l’action, de l’humour, bref, comme je le disais, un héros de film d’action.
Mais avant d’être le fringant et flamboyant personnage qui s’illustra dans les rangs des armées de l’Empire, il est nécessaire de faire un gros flashback. Enfin, pas si gros que ça, parce que, vous allez le voir, Antoine commence très tôt dans la carrière des armes !
Notre petit bonhomme, qui ne porte pas encore la moustache (enfin, je pense ...), naît le mercredi 10 mai 1775, jour où débute, à Philadelphie, Pennsylvanie, le Second Congrès Continental (qui siégera jusqu’en 1781). C’est lors de ce congrès que sera adoptée la Déclaration d’indépendance des Etats-Unis, ainsi que les Articles de la Confédération. Alors attention, tout cela n’a absolument rien à voir avec notre héros de la semaine, mais c’était un événement d’importance notable, alors ben voilà …
Lasalle naît à Metz, de parents issus de la noblesse. Papa est Pierre-Nicolas de La Salle, un commissaire ordonnateur sous Louis XVI, c’est à dire un officier chargé des tâches administratives, comptables, d’intendance et de logistique militaires. Pas un boulot ultra fun, mais tellement essentiel dans le fonctionnement des armées.
Quant à maman, elle se prénomme Suzanne et son nom de jeune fille est Dupuy de la Garde. On sait peu de choses sur elle, si ce n’est qu’elle était apparemment énergique et pleine d’amour pour son fils.
Pourquoi jouer à la guerre quand on peut y aller pour de bon ?!
C’est sûrement ce que se dit le petit Antoine, puisqu’à 11 ans, il décide d’embrasser la carrière militaire. Oui oui, 11 ans. Pendant que nous, au même âge, et selon la génération, nous étions en train de regarder Albator 84, les Power Rangers ou les Pokemon, Antoine, lui, revêtait l’uniforme. C’est donc le 19 juin 1786, qui est un beau lundi au soleil (pourtant on pensait bien que c’était quelque chose qu’on aurait jamais), au moment où Louis XVI est en visite à Cherbourg pour se rendre compte de l’avancement du port militaire, qu’Antoine rejoint le régiment d’infanterie d’Alsace, en tant que sous-lieutenant de remplacement. Ouais, carrément, à l’époque, à 11 ans, on s’engage direct comme officier, pouf.
Lasalle est sous-lieutenant dans le 24ème de cavalerie fin mai 1791.
Comme on peut s’en douter, sa famille est inquiétée par les répressions qui affectent la noblesse. Après avoir quitté son régiment et rejoint Paris, où sa famille a déménagé en 1792, Lasalle (vous noterez la différence d’orthographe avec le patronyme original), peut-être pour prouver sa loyauté au nouveau régime, rejoint la Section des Piques, une section révolutionnaire parisienne dont faisaient notamment partie Robespierre ou encore le marquis de Sade.
L’année suivante, en tant que volontaire, il rejoint l’armée du Nord. Il n’y reste pas longtemps, puisqu’en 1794, il se retrouve dans le 23ème régiment de chasseurs à cheval où il est nommé maréchal des logis moins d’un mois après son arrivée.
Et c’est moins d’un an après, le 10 mars 1795, que, après plusieurs combats contre les armées coalisées, il est nommé lieutenant.
Lasalle et Scipion l’Africain
Affecté comme aide de camp du général Kellermann (le futur maréchal qui s’illustrera à Valmy), commandant de l’armée des Alpes (un peu grâce à maman, qui connaît bien le général), Antoine rejoint son état-major. (Il y tiendra un poste de secrétaire à l’administration du corps (un peu comme papa à l’époque). Mais il n’y restera pas longtemps, puisqu’il devient l’adjoint du fils du général, mais dans l’armée d’Italie. Oui, il y a beaucoup d’affaires de familles !
Mais ça ne se passe pas super pour un premier contact avec le sol italien puisque Lasalle se fait capturer à Brescia (patrie d’Ettore Bugatti) par les Autrichiens.
Il est interrogé par le maréchal Wurmser, qui n’eut pas beaucoup de chance face à Napoléon en Italie (il capitulera après le siège de Mantoue en 1797, peu de temps avant sa mort).
A la question posée par Wurmser (qui a déjà 70 ans à l’époque) concernant l’âge du général commandant son armée, Lasalle répondra avec une vilaine pique à peine masquée “il a l’âge qu’avait Scipion quand il vainquit Hannibal !”. Ou comment dire à un général ennemi qu’il n’est qu’un vieux croulant (effectivement, Scipio Africanus avait 33 ans lors de la bataille de Zama, en 202 av. JC). Notons qu’à ce moment-là, Bonaparte est encore plus jeune (27 ans), mais on saisit l’idée !
Le pauvre Dagobert (car c’était le prénom de Wurmser, même si rien n’est dit au sujet de ses sous-vêtements), est dépité et, ce sera prophétique, puisque, tel Hannibal, il sera vaincu (plusieurs fois), comme je vous le disais plus haut.
Bon, du coup, on relâche Lasalle avant qu’il ne sorte d’autres vacheries pas sympa et le voilà qui se retrouve affecté à l’état-major du général Masséna. Et, le 7 novembre 1796, Antoine est promu capitaine. Faites le calcul, non, je le fais pour vous : il n’a que 21 ans !
L’officier et la marquise (non, ce n’est pas un drame historique à la Sissi, mais on pourrait en faire un film)
A Vicence, au nord de l’Italie, notre héros tombe alors amoureux d’une belle italienne, la marquise de Sali, avec qui il entretient une relation.
Mais, et ça devient encore plus romanesque, les Autrichiens reprennent la ville. Qu’à cela ne tienne, Antoine prend tous les risques pour rendre visite à sa dulcinée !
Quelques jours plus tard, dans la nuit du 16 décembre, avec 18 hommes du 1er régiment de cavalerie, il s’infiltre dans la ville et se rend chez la marquise qui, depuis la prise de la ville, a rassemblé moult renseignements concernant les effectifs et l’organisation des forces autrichiennes !
Mais sa petite troupe est découverte et Lasalle, à sa tête, doit se frayer un chemin hors de Vicence. Se heurtant à un groupe de 36 hussards ennemis, les français en tuent une quinzaine, perdent 4 hommes dans l’affrontement, mais parviennent à s’enfuir avec les précieux renseignements.
Lasalle a, bien sûr, agi sans aucune autorisation, mais Napoléon, devant l’importance des informations recueillies, ferme les yeux sur cette incartade et, au lieu de le punir, le nomme chef d’escadron dès le 6 janvier 1797.
Aujourd’hui c’est samedi, c’est Rivoli
Quelques jours plus tard, un baron transylvanien (non, tous les nobles transylvaniens ne sont pas des vampires), le général Alvinczy, à la tête d’une armée autrichienne, prend l’offensive et assiège la division Joubert qui s’est retranchée à Rivoli.
Bonaparte embarque Leclerc, Rey et Masséna et se porte à son secours. Lasalle est à la tête d’un escadron du 22ème chasseurs à cheval.
Ca rame un peu, mais tout se débloque à l’arrivée de Masséna. Sur la droite de la ligne de front, Lasalle charge avec ses 26 chasseurs, force les assaillants à la retraite et prend pour cible un bataillon isolé, qui se rend peu de temps après.
La bataille de Rivoli prend fin le samedi 14 janvier 1797, après une défaite cuisante pour les forces autrichiennes d’Alvinczy.
Bonaparte déclarera plus tard, mettant Lasalle au niveau de ses généraux : “c’est Masséna, Joubert, Lasalle et moi qui avons gagné la bataille de Rivoli.”
Encore un peu plus classe, on dit que, voyant Lasalle revenir au camp épuisé, Bonaparte lui aurait dit, désignant le tas de drapeaux pris à l’ennemi jonchant le sol : “couche toi dessus, tu l’as bien mérité”. Bon, il existe un doute sur la véracité de cette anecdote, mais ça pète !
Mais ce n’est que le début de la gloire, car Lasalle multiplie les coups d’éclat et de bravoure.
Dans le village d’Ospedaletto, il tombe dans une embuscade autrichienne. Abrité derrière une charrette avec l’un de ses hommes, il tient l’adversaire en respect jusqu’à ce que ses dragons, déployés ailleurs, reviennent lui prêter main forte. Et là, c’est la mêlée, qui se termine par la capture du détachement ennemi presque dans son entier !
Sur les rives de la Piave, peu de temps après, il affronte la cavalerie autrichienne et reçoit 3 coups de sabre dans l’affrontement.
Enfin, au mois de mars 1797, au passage du Tagliamento, il réalise son dernier fait d’arme de la campagne.
Avec une poignée d’hommes, il déboule dans la ville de Valsavone, occupée par un escadron autrichien, les en chasse et les force à battre en retraite de l’autre côté du fleuve (le Tagliamento que j’ai mentionné ci-dessus).
La campagne d’Italie s’achève avec la paix réclamée par les autrichiens.
Bonaparte en personne écrira à Maman Lasalle pour lui parler de son fils en ces termes : “ce brave officier s’est comblé de gloire à l’armée d’Italie.”
Lasalle est nommé chef d’escadron au 7ème bis de Hussards et navigue entre les garnisons : Mantoue, Peschiera, Rome, etc. C’est à cette période que Masséna devra faire face à des menaces de Rébellion de la part des troupes qui n’ont pas reçu leur solde depuis des mois. Effectivement, au bout de mois ou d’années de guerre, ils ont le droit de râler s’ils ne sont pas payés. C'est un tout petit peu la moindre des choses ! Masséna est remplacé et la tension retombe. C’est ce qui permet à Lasalle de se concentrer sur tout autre chose, les amourettes avec Joséphine d’Aiguillon, femme de lettres françaises et, accessoirement, épouse du général Victor Berthier ! Amourette qui se concrétisera un peu plus tard, comme nous le verrons … ben, un peu plus tard …
L’escadron de Lasalle est affecté à ce qu’on l’on a appelé l’armée d’Angleterre et qui deviendra bientôt l’armée d’Orient, ce qui nous amène à notre chapitre logique suivant, l’Egypte !
I don’t Caire
Il fait beau en ce samedi 26 mai 1798 sur le port Civitavecchia, quand le général Desaix et Lasalle embarquent sur la frégate La Courageuse. Enfin, je suppose, hein. On est en mai, en Italie, il devait sûrement faire beau !
Et le 1er juillet, les troupes françaises débarquent sur les côtes d’Alexandrie (dont la lumière du phare fait naufrager les papillons de ma jeunesse).
Ce n’est pas là où ils vont trop se fatiguer, puisque la ville est prise sans vraiment de résistance.
Mais la galère approche, car il faut rejoindre Le Caire, et là, ça sera pas une partie de plaisir, j’aime autant vous le dire !
Parce que pour rejoindre la ville, il faut passer par le désert. Alors ok, ça fait moins de 200km, mais il faut les faire à pied, sans trop d’eau ni de nourriture et avec les attaques de Bédouins en prime.
Lasalle ne prend pas part au combat contre les Mamelouks qui les attendent à Chebreiss, le 13 juillet, sur la rive gauche du Nil. Mourad Bey, ses 4 000 cavaliers et ses 2 000 janissaires environ, échouent à arrêter les armées de Bonaparte et de là, la route est ouverte vers la capitale. Il faut dire que le rapport de force est de plus de 3 contre 1, puisque Napoléon déploie 20 000 hommes environ.
L’Egypte ? Hé ! C’est pire, Hamid ! (propos que Lasalle aurait tenus à un local qui le questionnait sur ses campagnes précédentes)
Le 21 juillet 1798, pile poil 176 ans avant la naissance de votre humble serviteur, les français arrivent en vue des Pyramides.
Les cavaliers mamelouks les attendent de pied ferme (enfin, de sabot ferme), dans le village d’Embabeh. Ils lancent l’assaut … et se brisent sur les troupes françaises que Napoléon a placées en 5 carrés.
Leur avance est inexorable. Lasalle, à la tête de 60 de ses hommes, prend la sortie de la redoute d’Embabeh et coupe donc la retraite de l’ennemi vers Gizeh.
La Bataille des Pyramides est gagnée.
Lasalle sera nommé dès le soir-même chef de brigade provisoire de la 22ème demi-brigade de chasseurs à cheval.
Deux semaines plus tard, le 7 août, Bonaparte se lance à la poursuite du Bey Ibrahim qui a fui en direction du désert après la déroute. Et qui est en pointe ? Oui, elle était facile. Evidemment, c’est Lasalle à la tête de 2 escadrons (issus des 22ème chasseurs et 7ème bis hussards). Juste derrière eux, les dragons de Leclerc.
La poursuite dure 5 jours. Imaginez la traque, en plein désert, sous un soleil de plomb …
Enfin, près de l’oasis de Salalieh, les cavaliers français rejoignent le convoi égyptien. Un détachement de Mamelouks tente de barrer la route à l’ennemi. Les français sont en sous nombre. Que faire ?
“Bah, on fonce dans l’tas, les gars !” déclare Lasalle (enfin, j’imagine).
Effectivement, à la tête de ses 150 hommes seulement, il les prend plein front !
Voici un passage d’un ouvrage de M. Hourtoulle, essayiste français du XXème siècle :
“Lasalle a son sabre qui tombe en parant un coup terrible, il saute de cheval, ramasse son arme, combat à pied contre plusieurs mamelucks qui s'acharnent contre ce jeune chef, mais Lasalle en blesse trois, tue un cheval, remonte sur sa monture et continue le véritable tournoi qui se livre.”
Vous comprenez pourquoi Lasalle est, pour moi, un héros de film américain des années 80 ? Plus badass, c’est humainement pas possible …
Pendant un bon moment, la bataille est indécise. Et puis, Leclerc et ses dragons débarquent, tels une Daenerys Targaryen bien énervée et c’est plié pour le Bey et sa troupe. Les mamelouks se replient.
52 hommes de Lasalle sont hors de combat. Le chef d’escadron Detrès cumulera à lui seul, pas moins de 20 blessures ! On n’est plus faits pareil aujourd’hui, c’est clair …
Le 3 janvier 1799 (enfin, le 14 Nivôse an VII), il est de nouveau en pointe sur les combats de Souagui.
Le 17, à Rémedieh, il nous refait encore le coup du héros solitaire. Genre l’hybride entre le Schwarzenegger de Commando et le Stallone de Cobra. Vous voyez le genre ? Non ? Mince, j’ai des références trop anciennes ? Bref, une description vaut parfois mieux qu’une comparaison hasardeuse.
Représentez vous le, au cœur de la mêlée. D’un coup de sabre, il coupe les deux mains d’un mamelouk qui mettait à mal le général Davout. “Gare, Davout !” aurait-il crié … ou pas. Il enchaîne en renversant plusieurs ennemis ; la tête d’Osman Bey fait les frais de sa colère, car il brise son sabre dessus (ce dernier sera assassiné lors d’un complot dans ses propres rangs quelque temps après). En se défendant, il brise ses deux pistolets, récupère le sabre d’un dragon blessé et replonge dans la mêlée ! Il rallie ses hommes et met ses adversaires en fuite dans le désert !
Le 3 Pluviôse (enfin, le 22 janvier 1799), des combats ont lieu à Samanhout où, encore, Lasalle mène la charge et le 11 Ventôse (le 1er mars), il tue plus de 300 hommes (pas tout seul, hein !) lors des affrontements de Gehemi.
Lasalle suivra les mouvements des armées de Davout et forcera Mourad Bey, chef mamelouk égyptien, à fuir dans le désert (après, faut dire qu’entre les villes, ben y’a que ça hein …).
Son escadron rentre au Caire avant de se rendre à Belbeys (Bilbeis aujourd’hui) pour s'assurer que les voies de communications entre Salahieh et Le Caire sont sûres.
Enfin, le 5 Pluviôse, An VIII (soit, le 25 janvier 1800), les plénipotentiaires turcs valident un accord avec Desaix, à la convention d’El-Arich. Lasalle quitte l’Egypte, direction l’Italie, où il ne manquera sûrement pas d’aller “saluer” ses maîtresses, mais l’histoire n’a pas gardé trace de ces … échanges culturels.
Lasalle de repos …
Le 17 Thermidor, soit le 5 août, Napoléon offre à Lasalle une paire de pistolets et un sabre d’honneur. C’est à cette occasion qu’il aurait fait sa célèbre sortie :
“Tout hussard qui n’est pas mort à trente ans est un jean-foutre !”
Au moins, sa philosophie est on ne peut plus claire !
Maintenant colonel, il ne se “range” pas pour autant et fait tout pour entretenir sa réputation de rebelle au sein de la cavalerie et celle de buveurs des hussards, allant jusqu’à créer la Société des Assoiffés ! Je ne vous cache pas que cet affichage aura fait pas mal jaser dans la “bonne” société parisienne et dans les rangs de l’état-major …
20 jours plus tard, il se voit confier le commandement du 10ème régiment de hussards.
Le 17 janvier 1801 (27 Nivôse An IX) a lieu le combat de Vidadella, lors duquel il brise non pas un, ni deux, mais sept sabres et perd trois chevaux qui sont tués sous lui.
2 ans plus tard, après une relation adultère qui a fait scandale, conduisant au divorce du général Berthier et de son épouse Joséphine, il épouse cette dernière. Ils auront une fille, une petite Joséphine Charlotte de Lasalle.
Il faudra attendre le 16 juin 1804 pour qu’il soit nommé commandeur de l’ordre de la Légion d’Honneur.
Il atteindra le grade général de brigade le 1er février 1805 et sera nommé, le mois d’après, au commandement d’une brigade de dragons basée à Amiens.
Austerlitz. Terminus, tout le monde descend !
Le lundi 2 décembre 1805, peu de temps après la tôle de Trafalgar, 2 mois auparavant (et paf, un clin d’oeil à Nelson), la coalition de l’Empire russe et de l’Empire d’Autriche fait face à notre Empereur bien à nous.
Cet affrontement décisif de la campagne d’Allemagne a lieu dans la Tchéquie d’aujourd’hui, mais qui, à cette époque, fait partie du territoire autrichien.
Côté français, 68 000 hommes et 139 canons. Côté coalisés, les chiffres sont un peu flous, mais on les estime à 82 000 à 90 000 hommes et entre 160 et 278 canons.
Austerlitz est surnommée “la bataille des trois Empereurs” à juste titre. Sur le terrain, au commandement de leurs armées respectives, se trouvent Napoléon Ier, François Ier (pas le nôtre, celui du Saint-Empire romain germanique) et Alexandre Ier, Tsar de Russie. Ça en fait du beau monde.
Lasalle est bien sûr présent sur le terrain, mais je ne détaillerai pas ici le déroulé de la bataille, sous peine de multiplier par 3 la taille de cet article !
Sachez que les combats, acharnés, comme on dit, dureront pas moins de 9 heures. Dans ce laps de temps, les coalisés auront perdu 15 000 soldats (morts ou blessés), s’en sont fait capturer 12 000, se sont fait détruire ou prendre 180 canons, ainsi que 45 à 50 drapeaux.
Côté français, on trouve entre 1300 et 1537 morts, 6940 blessés, 573 prisonniers et 1 drapeau perdu.
Si on n’est pas terribles sur mer, on compense largement sur terre ! Mais, avouons le, c'est une austère liste.
Cette Troisième Coalition se dissout à l’issue de la bataille. Le 26 décembre, l’Autriche signe la Paix de Presbourg.
La “bravitude” de Lasalle et sa Fortitude
Nous sommes en 1806 et donc, en plein dans les campagnes de Prusse et de Pologne.
Lasalle est à la tête de sa “Brigade Infernale” ! Elle est composée des 5ème et 7ème régiments de hussards et multiplie les coups d’éclat.
Quelques exemples : la capture des gendarmes de la Garde du Roi de Prusse (ah bravo les gardes du corps …), la capitulation du Prince de Hohenlohe dans la ville fortifiée de Prenzlau (dans l’Allemagne d’aujourd’hui, située dans le land de Brandebourg) ou encore la mise en déroute de la cavalerie du prince sus-cité alors qu’ils sont bien plus nombreux.
Mais là où il en impressionne plus d’un, Napoléon le premier, c’est devant la forteresse de Stettin, le 29 octobre.
Cette place forte, commandée par un vieux briscard expérimenté, le Général von Rumberg, est défendue par une force estimée entre 6 000 et 10 000 hommes et une centaine de canons de tous calibres.
En face, Lasalle aligne ses 2 régiments de cavalerie, soit … 500 bonhommes !
Dans le champ d’astéroïdes après la fuite de la planète Hoth, Han Solo avait répondu aux chances de survie pessimistes calculées par C3-PO : “Never tell me the odds !” (“Ne me donne jamais les probabilités !” ou, dans la version française : “Tu sais, moi et les probabilités …”).
Lasalle, c’est notre Han Solo à nous, avec un cheval en guise de vaisseau !
Il fait construire des canons en bois par ses hommes (c’est son Opération Fortitude à lui) et les dispose comme pour un siège. Comme à l’époque on est polis, on s’échange des messages entre ennemis. Dans cette correspondance, Lasalle fait état de forces nettement supérieures qu’en réalité et menace d’un bombardement massif, suivi d’un assaut sur la ville sans faire de quartier.
On imagine von Rumberg avaler sa salive avec un “Glups !” sonore de dessin-animé. Quoi qu’il en soit, ça marche ! Le prussien tombe dans le panneau et se laisse prendre au bluff de notre moustachu. Il capitule.
Je ne vous raconte pas la tête des prussiens quand, après avoir rendu les armes, ils découvriront la véritable nature des forces françaises en présence.
Napoléon écrira en ces termes à son Maréchal, le Prince Murat, le 31 octobre 1806 :
“Mon frère, je vous fais mon compliment sur la prise de Stettin ; si votre cavalerie légère prend aussi des villes fortes, il faudra que je licencie le génie et que je fasse fondre mes grosses pièces.”
On ne badine pas avec la discipline
Mais il peut être aussi impitoyable. Le lendemain de Noël 1806, alors que la Brigade Infernale est en pleine charge contre des batteries russes, l’ordre “halte !” retentit et, comme c’est la procédure, il est repris sur toute la ligne de bataille.
La charge s’arrête dans le désordre. Lasalle, qui était en avant, rebrousse chemin et rallie ses hommes. Impossible de savoir qui a crié cet ordre et pourquoi. Le coupable ne se dénoncera jamais et ne sera jamais dénoncé.
Lasalle fait placer ses troupes en ligne de bataille face aux artilleurs russes et leur ordonne de rester sur place, sans bouger. Lui-même est devant ses troupes, face au feu ennemi, pendant 2 heures ! 10 hommes et 2 chevaux sont tués (les artilleurs russes ne sont pas très bons, apparemment). C’est une sacrée punition collective ! Au terme de ces 2 heures terribles, il fait rompre les rangs.
4 jours plus tard, il est fait Général de division et commande la cavalerie légère de réserve à compter de 1807.
Lasalle contre les dragons
Il est dit que Saint-Michel terrassa le dragon, mais Lasalle en combattit 12 à la fois !
Lors de la bataille d’Heilsberg, le 12 juin 1807 (au fait, vous avez remarqué ? On est revenus à des dates que l’on connaît tous. Le calendrier révolutionnaire a été abandonné définitivement le 1er janvier de l’année précédente), en plein milieu de la mêlée, le Prince Murat est encerclé par une douzaine de dragons russes bien énervés.
C’était sans compter sur notre moustachu Lasalle qui, comme dans une scène de Game of Thrones, se fraie un chemin parmi les combattants et se précipite au secours du Maréchal. D’un coup de sabre, il abat l’officier qui mène ces féroces soldats et met ces derniers en fuite !
La situation s’inverse quelques temps plus tard et, cette fois, c’est Murat qui vient lui porter secours ! Quand le calme revient, Murat lui serre la main et déclare “Général, nous sommes quittes !”
"Vacances" en Espagne
Sous les ordres du Maréchal Bessières, il rejoint l’armée d’Espagne à la tête de sa cavalerie, début 1808.
A compter de juin, il défait un contingent d’insurgés espagnols et les repousse dans les montagnes, puis marche sur Valladolid. Il tombe sur un corps espagnol de 7 000 hommes et ordonne la charge. Il les pulvérise. Les espagnols se débandent et fuient, laissant 1 000 des leurs sur le carreau. Après cet “incident mineur”, il reprend sa marche et entre dans Valladolid dans la journée. Facile …!
Le 14 juillet (tant qu’à faire des exploits, autant les faire le jour de la Fête Nationale), lors de la bataille de Medina del Rio Seco, c’est une nouvelle charge héroïque qui garantit la victoire des forces françaises, pourtant dominées à près de 2 contre 1. Dans la foulée, l’armée opérant un repli stratégique en vue d’un redéploiement, il assure l’arrière-garde et contient l’ennemi.
C’est en septembre que Napoléon fait de lui un comte de l’Empire.
Mais, pas le temps de se reposer sur ses lauriers, puisque, en novembre, à la bataille de Burgos, il se distingue une nouvelle fois et contribue au succès du jour. Quelques jours plus tard, à Villa-Vigo, il prend 7 canons et 4 drapeaux (à l’époque, on aime bien les collectionner - blague à part, c’est un symbole de succès).
Lasalle écartèle Medellin
Le 28 mars 1809 à lieu la bataille de Medellin, où Lasalle, au commandement de la totalité de la cavalerie (ainsi que d’une division d’infanterie), accomplira l’un de ses plus grands faits d’armes.
Ce jour-là, la situation n’est pas fameuse. Les français sont quasiment encerclés par une armée espagnole en supériorité numérique. La seule retraite possible est le pont de Medellin, sur le large fleuve Guadiana. Un couloir de la mort, pour ainsi dire. Lasalle le comprend bien. Les espagnols, s’avancent. Un détachement de 6 000 hommes déborde les français sur le flanc droit.
C’est dangereux. La débâcle n’est pas loin, si on ne fait rien. Mais voilà, rien faire, Lasalle, il ne connaît pas ! A la tête du 26ème régiment de dragons, il charge ce carré de 6 000 soldats ennemis !
Les espagnols ne s’attendaient pas du tout à ce baroud d’honneur et, tels des orcs dans les champs du Pelennor, ils se font renverser et tailler en pièces par cette charge digne des Rohirrim, avec la musique épique par-dessus et tout ! En tout, 14 800 d’entre eux perdent la vie ce jour-là. 5 000 sont faits prisonniers et 19 pièces d’artillerie sont récupérées intactes.
Le Général Alcazar, qui deviendra le dirigeant bien connu du San Theodoros, entre deux coups d’état, aurait apprécié le surnom que gagna Lasalle auprès de ses ennemis : picaro, ce qui signifie “voyou” en français.
Pour les non-Tintinophiles, je rappelle qu’Alcazar et son pays sont des éléments de fiction de l’univers d’Hergé !
Et soudain, c'est Wagram ...
L’Espagne, c’est terminé et on a besoin de lui en Allemagne et en Autriche.
Il y commande une division de cavalerie de la Grande Armée et il se distingue derechef lors de la bataille d’Essling, puis au siège de Raab, en mai et juin 1809.
La veille de la bataille de Wagram, l’une des plus meurtrières du Premier Empire, Lasalle découvre un mauvais présage dans ses bagages.
Il ouvre sa malle et trouve sa pipe cassée, ainsi qu’un flacon de sa cave à liqueur et le verre protégeant le portrait de sa femme brisés. Avisant son aide de camp, il lui dit alors : “Je ne survivrai pas à cette journée.”
Le 5 juillet, les forces en présence se font face. Côté français, on trouve 164 000 soldats et 433 canons. Côté autrichien, nous avons 128 200 hommes et 415 canons.
Le rapport de forces est en faveur de Napoléon, qui commande ses troupes. L’Archiduc Charles devra faire de son mieux.
Le premier jour, les avant-gardes s’affrontent sans grands gains (mais avec de lourdes pertes). Dans le but de débloquer la situation, Napoléon lance une attaque sur le centre de la formation ennemie, mais les tirs d’artillerie ennemie et une mauvaise coordination font de cet assaut un échec. La mêlée durera tout le reste de la journée, mais aucun des belligérants ne prendra l’avantage.
Le 6 juillet, les français renouvellent leur offensive, cette fois appuyés par l’artillerie, qui réussit à neutraliser en partie celle des autrichiens, tout en prenant un point d’appui important, en l’occurrence, le village de Wagram (d’où le nom de la bataille, n’est-ce pas ?).
L’assaut est concluant et l’Archiduc commence à retirer ses troupes, mais, poursuivies par les français, elles subissent de lourdes pertes.
La bataille de Wagram se termine en fin de journée. La victoire est décisive, puisqu’elle aboutit au traité de Vienne (et à la fin de la guerre de la Troisième Coalition), oui, mais à quel prix ! 30 000 morts et blessés côté français et environ 35 000 côté autrichien.
Lasalle casse sa pipe (au sens propre comme au figuré)
Parmi les morts, Lasalle. Se portant en renfort des troupes du général MacDonald, en fâcheuse posture, il avise un bataillon ennemi et tente de lui faire battre en retraite avec les cuirassiers du 1er régiment. Un grenadier hongrois battant en retraite fait feu et le frappe d’une balle en pleine tête.
Ses cendres seront rapatriées en 1891 et seront inhumées aux Invalides, dans le caveau des gouverneurs. Son nom figure sur le pilier Est de l’Arc de Triomphe.
Dans sa massive correspondance, on trouvera ces mots, écrits à son épouse Joséphine :
“Mon cœur est à toi, mon sang à l’Empereur, ma vie à l’honneur.”
Il meurt à 34 ans seulement, dans la gloire. Rappelez-vous ses mots :
“Tout hussard qui n’est pas mort à trente ans est un jean-foutre !”
Il aura dépassé la date limite de son édit de 4 ans, mais en aucun cas peut-on qualifier Antoine Charles Louis de Lasalle de jean-foutre !
On est là face à un Personnage (avec un grand P). Un héros de cape et d’épée de romans.
On peut juste regretter qu’il n’ait pas vécu plus longtemps pour nous régaler d’une liste d’exploits et d’aventures plus longue !
Honorons donc la mémoire et la magnifique moustache de ce fringant et attachant héros et affichons fièrement son portrait (que vous pourrez vous procurer en cliquant sur la photo de l'illustration ci-dessous, comme d’habitude !) !
Moustachement vôtre,
Votre humble et dévoué serviteur,
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