top of page
Photo du rédacteurOdy

Le SIèGE DE SAINT-JEAN-D'ACRE, LE RETOuR

Pourquoi "le retour" ? Parce qu'un siècle auparavant, cette ville de Terre Sainte avait déjà dû subir un siège, lors de la Troisième Croisade. A l'époque, la ville est sous le contrôle de Saladin, mais l'arrivée des forces des Croisés, commandées par Philippe Auguste, Richard Cœur de Lion et le grand-maître des Templiers Robert de Sablé, rien que ça, le forcent à rendre la ville.

Un siècle plus tard, les Mamelouks rendent la pareille aux chrétiens, dans un nouveau siège qui durera un peu moins de deux mois.

Voici leur histoire, dumm dumm !....



LA PAIX ? FAuT LE DIRE VITE ...


Oui, c'est pas tout rose à cette époque dans cette partie du Proche-Orient. Henri II, roi de Chypre et de Jérusalem, chrétien, donc, négocie une trêve de 10 ans avec le sultan Mamelouk Qala'ûn. Ce dernier vient de conquérir la ville de Tripoli et semble avoir des vues sur un peu tout ce qui tourne autour.


Jusque là, tout va (presque) bien, mais, 1 an et demi plus tard, en décembre 1290, Qala'ûn meurt et son fils, Al-Ashraf Khalil monte sur le trône. Ouais, mais c'est pas le même que son père. Non, lui il cherche tous les prétextes pour recommencer à se remettre sur la tronche et récupérer ce qui reste du Royaume de Jérusalem, qui se compose de Saint-Jean-d'Acre, de Beyrouth, de Tyr, de Saïda et de la forteresse d'Hatlith.



AFFLuX DE TOuRISTES ITALIENS ...


Alors, de nos jours, c'est plutôt un bon signe dans les régions balnéaires, mais, début 1291, vous allez le voir, ceux-là font bien plus de mal que juste parler très fort entre eux dans la rue.


Mais de quels Italiens on parle ? Oui, pardon, un peu de contexte s'impose : il s'agit de civils composant une croisade de pèlerins non-combattants. Ils ne connaissent absolument rien de la véritable situation politique en Terre-Sainte, mais sont persuadés qu'il suffit d'un peu d'huile de coude pour récupérer Jérusalem.


Ben voyons, c'est tellement simple ! Comment on a fait pour ne pas y penser avant ?! Merci Guido, Merci Graziella, merci à toutes et à tous ! Evidemment, ça ne marche pas comme ça, hein. Mais pourquoi pas ... Seulement, ils ne s'arrêtent pas là, considérant que les Latins d'Orient font preuve de complaisance face à la population musulmane de la ville, ils décident de passer à l'action.



Et quelle action ... Le 13 mars de la même année, en ayant à peine eu le temps de défaire leurs bagages, ils agressent et tuent des paysans musulmans venus vendre leur production en ville, puis envahissent le bazar et égorgent tous les marchands que l'on suppose musulmans (des byzantins y passeront aussi, parce que barbus ... Ah, les préjugés).


Je sais qu'on juge avec notre vision d'aujourd'hui, qu'il faut remettre les choses dans leur contexte, mais non, tout bien pesé, on a tout de même affaire à une belle bande de crétins décérébrés ...


Bien sûr, tout le monde s'offusque ! On le serait à moins ! Les consuls de la ville et les huiles des ordres militaires présents en ville contactent directement le sultan Al-Ashraf.


Et, je ne peux pas lui en vouloir, il réclame l'exécution pure et simple des criminels. Car c'est bien de ça dont on parle. Des civils qui massacrent des civils, c'est du meurtre. Dans le camp chrétien, Al-Ashraf trouve un allié de poids, puisqu'il s'agit de Guillaume de Beaujeu, qui n'est rien d'autre que le Grand-Maître de l'Ordre du Temple. Lui aussi est d'accord pour dire que ce serait pas mal d'en voir quelques uns gigoter au bout d'une corde.



Seulement, il est le seul dans ce cas, les autres membres du conseil de la ville restant convaincus qu'Al-Ashraf acceptera des excuses comme lot de consolation ... Sérieux ? Des dizaines de civils innocents tués par des fanatiques et juste "oups, on le fera plus" ? Pourtant, c'est pas comme si le sultan ne menaçait pas tout le monde de guerre. Mais bon, on se dit que c'est de l'esbrouffe et on se contente de lui envoyer quelques ambassadeurs (notez, pas un seul des chefs ne fait le déplacement) avec quelques bricoles en cadeau et sûrement quelques Ferrero Rochers (en dotation chez tous les bons ambassadeurs).


L'honorable Sultan mamelouk Al-Ashraf Khalil, dans sa grande mansuétude, demandera à ces ambassadeurs s'ils ne se fichent pas un peu de sa tronche et collera tout ce petit monde au cachot. Et ce qui devait arriver arriva ...


EN AvANT POuR LE BAIN DE SIèGE ...



Et ça ne traîne pas. En effet, le 5 avril, seulement 3 semaines après les massacres à Saint-Jean-d'Acre (ou SJDA, pour faire plus court), le Sultan arrive devant la ville. Et il ne vient pas tout seul hein, il amène quelques potes. 220 000 potes., sans compter un bon paquet de machines de siège : catapultes, trébuchets, etc.


A SJDA, protégée par une double rangée de remparts, on compte entre 30 et 40 000 personnes. Déjà le rapport de forces n'est pas brillant, mais en fait c'est bien pire, puisque sur ces 40 000 (en comptant au max), seuls 16 000 hommes sont des soldats ...


Et on prépare tout ça. Devant chacune des 4 tours de défense les plus importantes, Al-Ashraf fait placer une énorme catapulte, version de bois et de corde de l'Etoile de la Mort. Et entre ces monstres, tout un tas de mangonneaux et de balistes. Hein que ça s'annonce mal ?



10 jours plus tard, les chrétiens tentent une sortie. C'est Guillaume de Beaujeu, qui est, je le rappelle, le big boss des Templiers, qui mène l'assaut. Si les assiégeurs sont surpris, la charge finit en eau de boudin, parce que les chevaux se prennent les guibolles dans les cordages et se cassent la binette. La retraite est loin d'être facile et le but de l'opération -mettre le feu à l'une des "méga-catapultes"- n'est pas atteint. Quelques jours plus tard, rebelote, avec le même résultat.


Mais SJDA a un accès à la mer, que ne contrôle pas le Sultan. Et, le 4 mai, Henri II débarque avec 200 chevaliers, 500 fantassins, et du ravitaillement.


Bon, comme Henri est quand même roi de Jérusalem et pas Jo le Clodo, il tente la négociation en direct avec Al-Ashraf. Les conditions émises par le Sultan sont claires : reddition totale de la ville, mais il accordera la vie sauve aux habitants.


Henri II repart le 7 mai, laissant ses 700 hommes sur place. Visiblement, les termes ne le branchent pas.


Bah oui, mais du coup, ce revers est insultant pour un Sultan ... Et le bombardement de la ville s'intensifie. Il pleut des gros cailloux et, en parallèle, des tunnels sont creusés sous les tours, pour saper les fortifications. Notez que le Sultan économise ses troupes, puisque ce sont des esclaves qu'on envoie jouer à "La Grande Evasion".


La semaine suivante, le 15 mai, une partie de la Tour Neuve, qui forme l'angle des murailles, s'effondre. Notre brave Guillaume de Beaujeu fait construire une tour de bois pour tenter de combler la brèche, mais bon, c'est voué à l'échec et le résultat est bancal. Il faut se rendre à l'évidence : ça ne tiendra pas bien longtemps. On tente alors d'évacuer femmes et enfants par la mer. Seulement voilà, même les éléments s'y mettent et une tempête force les quelques navires déjà partis à revenir se réfugier au port de SJDA ... Un coup dans l'eau, si vous me passez l'expression. Remarquez, je vous abreuve de tellement de jeux de mots et de calembours foireux que ce n'est pas cette vanne qui va faire déborder le vase (ça doit déjà être fait depuis longtemps).


AL-ASHRAF AL-ASSAuT : AL-LEZ LES GARS !


Le 18 mai 1291, à l'aube (à l'heure où blanchit la campagne, enfin pas dans le coin) le Sultan donne l'assaut. Imaginez la marée de troupes qui fonce vers la ville en général et la semi-brèche de la Tour Neuve en particulier.


Donc, sans grosse difficulté, les musulmans investissent la tour, qui tombe entre leurs mains, et se répandent entre les deux murs d'enceinte en deux larges groupes et bombardent les défenseurs de feu grégeois et de flèches.



Deux hommes font front côte à côte, faisant fi des rivalités qui les opposent depuis longtemps : Guillaume de Beaujeu, qu'on ne présente plus et Jean de Villiers, grand-maître de l'ordre des Hospitaliers.


Tous deux, ils mènent la résistance à la porte Saint-Antoine, là où l'assaut ennemi est le plus important.


Beaujeu est blessé d'une flèche sous l'aisselle. Il se retire du front. Des croisés l'interpellent, genre "eh, boss, la baston c'est de l'autre côté !" Beaujeu répondra qu'il "ne fuit pas, il meurt !" C'est une bonne excuse. Et effectivement, quelques heures après, il décède à la Commanderie du Temple. De Villiers, quant à lui, également blessé gravement, est évacué sur un navire, direction Chypre.


La porte de Saint-Antoine tombe, SJDA aussi. Les mamelouks déferlent dans les rues et massacrent tout ce qu'ils trouvent. Certains habitants tentent de fuir par la mer, mais les bateaux, surchargés sont instables et certains coulent.


Des 40 000 personnes présentes au départ dans SJDA, 10 000 survivent encore, réfugiés dans la Voûte d'Acre, la citadelle des Templiers. Les défenses sont commandées par Thibaud Gaudin, qui deviendra, de fait, le nouveau grand-maître du Temple et Pierre de Sivry, maréchal du Temple.


Heureusement, la citadelle a un accès sur la mer, ce qui permettra d'évacuer les survivants. Tout ce petit monde part vers Chypre. Au bout de 10 jours, le 28 mai 1291, la citadelle tombe sous les bombardements.


Cette fois, on peut le dire, tout est foutu. Faut appeler un chat un chat !


LA FIN DES FINS


Après la prise de SJDA, la débâcle continue. Tyr est évacuée. C'était l'une des places fortes les plus importantes de Terre Sainte. Thibaud Gaudin, donc nouveau patron des Templiers, et ses hommes, sont repliés à Sidon, dont on évacue la population. Gaudin s'embarque pour Chypre, genre "je vais chercher des potes et je reviens", mais on ne le reverra plus. Résultat, Sidon est prise le 14 juillet.


Le 21 juillet, jour de l'anniversaire de votre humble serviteur (aucun rapport avec le sujet, mais je tenais à le signaler), c'est Beyrouth qui est prise par le Sultan. Se fiant aux promesses d'Al-Ashraf d'épargner les populations, les habitants lui ouvrent les portes et la ville est prise sans combats. Seuls les Templiers de la Commanderie sont pendus. C'est la déroute à Beyrouth.



Suivent les prises de Tortose et Château-Pèlerin, qui sont évacuées sans combats. Il ne reste plus que 2 petits bouts de terre chrétienne : l'îlot d'Arouad, au sud de Tortose, et la ville de Gibelet, dirigée par le seigneur Pierre Embriaco, un copain du Sultan, donc il a un passe-droit. Les chrétiens abandonneront ces ports en 1302.


Voilà, encore cette semaine, je vous relate un épisode de l'histoire en lieu et place d'un portrait dédié à un personnage. Si vous souhaitez prolonger l'expérience, je ne saurais que trop vous recommander l'ouvrage Templiers, de Redpaln et de Jean-Vincent Bacquart, que vous pouvez vous procurer ici, ou vous offrir un tirage d'une des illustrations tirées de ce livre, dont celles que vous avez vue en tête d'article et que vous retrouverez ci-dessous, représentant ce bon Guillaume de Beaujeu, frappé à mort, se retirant du combat.


Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour ... autre chose !


Âcrement vôtre,


Votre humble et dévoué serviteur,






- ODY









Comentários


bottom of page