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NAPOLEON, LE RÊVE AMERICAIN

On sait tous où et comment est mort l'Empereur. Ce qui est plus flou, ce sont les conditions de sa "capture" et, ce qui est encore moins connu, ce sont ses ambitions post-Empire.


C'est ce que je vous propose de découvrir dans cet article, avec moult informations, détails (plus ou moins utiles), jeux de mots (parfaitement inutiles) et anecdotes.



WaterlOO, mOrne plaine


Tout à commencé un 18 juin, le long d'une plaine solitaire, alors qu'il cherchait une victoire que jamais il ne trouva.


La plaine est morne, la défaite est amère.


Ca c'est de la référence !

Il faut dire qu'à 86 000 contre 130 000, c'était plutôt mal barré. Et en ce 22 juin 1815, tout est consommé.


Ce même jour, il abdique et, le 25, il quitte le palais pour la dernière fois.


Le grand départ ... Ou pas, et surtOut, cOmment ?


Plusieurs solutions s'offrent à l'Empereur déchu et déçu, mais il a d'ores et déjà une idée en tête : rejoindre l'Amérique. "Je veux l'avoir et je l'aurai", déclara-t-il (ou c'était quelqu'un d'autre ?)


L'Amiral Decrès suggère un départ depuis Le Havre, mais Fouché, l'ancien ministre de la police et désormais président du gouvernement provisoire chargé de négocier avec les alliés, impose le choix de Rochefort, on verra pourquoi plus bas. Ah ! Le vilain personnage !


Je suis sûr que Mike Meyers s'est inspiré de Fouché pour créer son Dr Denfer ...

Le temps du trajet de Napoléon vers Rochefort, il est censé fournir des sauf-conduits ... qui n'arriveront jamais. Fouché, sachant que les Bourbon ne sont pas loin (et qu'ils l'ont dans le collimateur, comme la plupart des ex-impériaux) et subissant la pression des alliés, temporise et ira jusqu'à fournir aux Anglais les détails des projets de Napoléon. Le choix de Rochefort comme port de départ est également fait dans l'optique de faciliter la tâche de l'ennemi, car les trois pertuis sont facilement contrôlables par la toute puissante flotte britannique (un pertuis ? Ah oui, pardon, c'est un détroit entre une île et la terre ou deux îles ; ici, les îles en question sont Ré et Oléron). Bref, il donne toutes les cartes aux Britanniques.


Deux frégates attendent Bonaparte dernier à Rochefort : la frégate La Saale, une classe Armide de 40 canons commandée par le Capitaine Philibert et La Méduse (oui, celle qui fera naufrage et qu'un tableau rendra célèbre via un radeau de fortune), une classe Pallas de 44 canons, commandée par le Capitaine Ponée. C'est la La Saale qui l'accueillera, mais pour Napoléon, c'est Ponée blanc et blanc Ponée (oui, je suis particulièrement désolé de la pauvreté de ce jeu de mots, mais c'est compulsif).

La Méduse a mal fini ...

Bon, déjà Bonaparte des doutes quant à la loyauté du Capitaine Philibert et le suspecte d'avoir des accointances avec la monarchie (le fait que le vaisseau soit toujours truffé de fleurs de lys partout dans la déco ne fait rien pour alléger les soupçons).


Donc, pas de sauf-conduits, et voilà maintenant que le vent s'y met ! Il est contraire et ça n'arrange rien. Pourtant, Ponée se déclare prêt à tenter le coup. Il doit être meilleur marin que Philibert qui oppose son véto. Et comme c'est le supérieur hiérarchique de Ponée, ben c'est lui qui a le dernier mot.


BellerOphOn intervient ! (mais pas le hérOs grec)


Seulement voilà, comme le vilain Fouché a tout balancé, les Anglais sont déjà sur place, et pas qu'à moitié : Billie Ruffian, le surnom donné par ses marins au HMS Bellerophon, et 3 autres bâtiments, bloquent les détroits.


Le Bellerophon (faut avouer que ça pète plus que "La Méduse" pour un bateau de guerre) est un vétéran d'Aboukir et de Trafalgar et, même s'il a pris cher pendant ces deux affrontements, il a été remis sur pied (enfin sur coque) et est prêt à en découdre, même après 29 ans de service ! C'est un vaisseau de ligne de 3ème rang de classe Arrogant disposant de 74 canons servis par des artilleurs expérimentés, disciplinés et bien entraînés. Autant dire que 2 frégates sortant d'une passe se feraient laminer par les bordées du bâtiment Anglais.

Ca c'est le Bellerophon original. Badass hein ?

Sans compter que son commandant, le Capitaine Maitland, n'est pas venu seul. Il dispose de 3 navires plus légers. Le HMS Daphné, une corvette de classe Banterer de 22 canons, le HMS Slaney, un sloop de classe Cyrus tout neuf (moins de 6 mois) disposant de 20 canons et le brick HMS Myrmidon, armé de 18 canons.


Oui, ça fait beaucoup de bouches à feu pour nos 2 frégates. D'autant que, j'insiste sur ce point, les canonniers Anglais sont d'un niveau nettement supérieur à leurs homologues Français.


On propose alors à Napoléon de s'embarquer sur un navire marchand Danois, mais quand on a été Empereur des Français et d'une bonne partie de l'Europe et de l'Afrique du Nord, se cacher dans un tonneau, c'est hors de question, non mais !


Rendez-vOus avec sOn Aix


Le 8 juillet, Philibert débarque l'Empereur sur l'île d'Aix où la garnison et la population l'accueillent à bras ouverts. Sur place, il rencontre le préfet maritime de Rochefort, Bonnefoux, un marin de carrière qui lui est fidèle. Il présente à Napoléon un arrêt de la commission du gouvernement qu'il vient de recevoir et qui déclare traître à la Patrie tout officier qui le ferait débarquer sur le sol français, sans compter l'ordre d'arrestation de l'Empereur arrivé de Paris via le Capitaine de Rigny.


De nouveau à bord de la frégate La Saale, au mouillage devant l'île d'Aix, Napoléon veut savoir quelles sont les ordres du Capitaine du Bellerophon. Aussi, le 10 juillet, Las Cases, ex-chambellan de l'Empereur, et Savary s'embarquent sur un schooner (un petit bâtiment à 2 mâts) battant pavillon blanc, direction le navire Anglais. Ils sont porteurs d'une lettre rédigée par le Général Bertrand qui est destinée au Vice-amiral Hotham qui croise au large de Quiberon à bord de son 74 canons, le HMS Superb.


Cependant, lors de la visite de Las Cases, Frederick Lewis Maitland reçoit justement un message de son supérieur. Dans celle-ci, Hotham lui précise :


"Il vous appartient d'employer tous les moyens nécessaires pour intercepter le fugitif de la capture duquel dépend la tranquillité de l'Europe."


Et du coup, voici la réponse de Maitland à Bertrand :


"Nos deux pays étant en guerre, je ne puis laisser passer aucun vaisseau voulant quitter Rochefort, non plus qu'aucun navire de commerce portant un passager aussi important que l'Empereur (sic), sans autorisation de mon supérieur, qui est actuellement dans la ville de Quiberon."


Maitland : "Sorry !"

Bon, au moins on sait à quoi s'en tenir. Notez que, dans sa lettre, et malgré l'abdication, Maitland désigne Napoléon par "l'Empereur" et non Bonaparte, ou encore "le fugitif".

La grande évasiOn ... en plusieurs scénarii

Le 11 juillet de jeunes officiers de marine proposent à Napoléon de s'embarquer sur un chasse-marée (un 3 mâts de pêche) et d'aborder le premier navire de commerce venu afin de le "détourner" vers les Etats-Unis. C'est limite de la piraterie, en effet. Ou encore, d'embarquer sur le navire marchand Danois Magdalena, qui croise encore au large (celui-là même où Napoléon avait refusé de s'embarquer quelques jours plus tôt). Bonaparte envisage un temps cette solution ...


Le lendemain, l'Empereur débarque à nouveau sur l'île d'Aix et s'installe, avec le Général Becker comme compagnon de chambrée, dans une grande pièce du rez-de-chaussée de la maison du gouverneur (après tout, c'est lui-même qui l'avait fait construire 7 ans avant après une tournée d'inspection, il est donc un peu chez lui, non ?...).


C'était peut-être la même ambiance dans la pièce du bas, chez le gouverneur ...

Depuis l'île, Napoléon peut observer directement le blocus Anglais. Et c'est pas rassurant. Tout est bouché. Les 3 pertuis sont tenus par le piquet Anglais auquel s'est rajouté un autre brick. C'est la première fois que Bonaparte envisage sa reddition. Certains membres de son entourage approuvent (dont Las Cases), tandis que d'autres y sont opposés.


Une autre solution envisagée est de forcer le blocus, la frégate ne transportant pas l'Empereur ayant pour rôle d'engager les navires Anglais tandis que la seconde se faufilerait et, toutes voiles dehors, profitant de sa meilleure manœuvrabilité et plus grande vitesse, mettrait le cap sur l'Amérique. Mais, ordre, contrordre, désordre, cette manœuvre est très vite abandonnée.


De plus, comme je le disais plus haut, Napoléon ne fait pas confiance au capitaine du navire qui le transporte et qui, de toute façon, semble particulièrement réticent ...


Le 13 juillet, Joseph Bonaparte retrouve son frère, qui lui propose la chose suivante : prendre sa place, tandis que Napoléon embarquerait, quant à lui, sur le brick Commerce, affrété par son frère et qui l'attend à Royan.


Après réflexion, l'Empereur répondra :


"Dites au roi Joseph que j'ai bien réfléchi sur sa proposition. Je ne puis pas l'accepter. Ce serait une fuite. Mon frère peut le faire, il n'est pas dans ma position. Moi je ne le puis pas. Dites-lui de partir sur le champ. Il arrivera à bon port. Adieu."


Ce qu'il fit, dans la nuit du 24 au 25 juillet, débarquant à New York le 20 août.


Ne pas filer à l'anglaise, mais se fier aux anglais ?


Revient la question de se rendre aux Anglais, d'autant que Maitland lui-même aurait soufflé l'idée à Savary en ces termes :


"Pourquoi Bonaparte ne demanderait-il pas asile à l'Angleterre ?"


Hum, je sais pas ? Parce que c'est l'ennemi juré, peut-être ? Mais bon, au bout d'un moment, il n'y a plus trop le choix.


Comme le dit lui-même notre avisé Empereur :


"il y a toujours danger à se confier à ses ennemis, mais il vaut mieux se risquer à se confier à leur honneur que de tomber dans leurs mains prisonniers de droit."


Et, en cette soirée du 13 juillet, Napoléon dicte cette lettre, adressée à la couronne britannique, dont voici un extrait :


"Je me mets sous la protection de ses lois que je réclame de Votre Altesse Royale comme du plus puissant, du plus constant et du plus généreux de mes ennemis…"


C'est en cette date ironique du 14 juillet que Gourgaud, Lallemand et Las Cases se rendent à bord du Bellerophon, porteurs de la missive en question. Las Cases s'entretient avec Maitland et lui annonce que Napoléon viendra à bord afin, selon la décision de la couronne d'Angleterre, d'y recevoir les sauf-conduits pour l'Amérique ou être conduit en Angleterre, pour y vivre comme tout un chacun.


Le 15, après avoir fait ses adieux et reçu les honneurs des marins en poste sur l'île, Bonaparte embarque sur le brick l'Epervier afin de rejoindre le bâtiment de guerre Anglais.


La crOisière ne s'amuse pas


Il est accueilli en tant qu'invité et non comme prisonnier. Ce n'est pas tous les jours qu'on reçoit un empereur, même déchu, à son bord ! Suivant ses ordres, Maitland fait tout d'abord route vers Portsmouth, en rade de laquelle il demeure pendant 3 semaines.


Napoléon sur le Bellerophon (William Quiller Orchardson - ca. 1880))

Pourquoi cette attente ? Parce que le gouvernement Anglais réfléchit au sort de Bonaparte. Déjà, la solution Américaine, c'est niet ! Qui sait quelles idées il pourrait mettre dans la tête du Président des Etats-Unis, James Madison ?! On a assez de problèmes comme ça ! Le laisser vivre en Angleterre ? Hum ... non. Il serait bien trop près de la France, trop risqué.


De plus, ils ne sont pas chaud pour lui accorder le droit d'asile en invoquant l'habeas corpus. Bref, ils n'en veulent pas et du coup ne le laissent même pas poser le pied sur leur sol.


Alors, faisant fi des droits et des lois, l'Angleterre choisit de se débarrasser définitivement de son ennemi juré en l'éloignant une fois pour toutes de l'Europe. C'est décidé, ce sera Sainte-Hélène, ce caillou volcanique paumé dans l'Atlantique Sud. Là bas, à 1800 km de la côte la plus proche, on se dit qu'il y a peu de chances qu'il s'évade. Napoléon l'apprend le 31 juillet. Son rêve américain est anéanti.

Le 7 août, Maitland fait ses adieux à son hôte et Bonaparte est transféré à bord du HMS Northumberland, un 74 canons de 3ème ligne appartenant ironiquement à la classe America.

Le 16 octobre 1815, Napoléon met le pied sur l'île qui sera sa dernière demeure.


What if ?


Ouf, le vilain Corse ne s'occupera plus des affaires de l'Europe et n'ira pas non plus souffler des lubies vindicatives à l'oreille des Américains !


Car c'était sûrement son but, à Napo, non ?! Eh ben non. Il en a sa claque. C'est bon, il a déjà donné.


Dès le départ, après l'abdication, il a déjà un objectif.


L'armée, la conquête, la gloire par les armes, c'est terminé. Déjà vu, déjà fait.


Ce qu'il veut, c'est acheter un bout de terrain, y faire construire une maison (un peu classe) et se poser. Il s'est même choisi un pseudo : pour le commun des yankees, il sera le Colonel Muiron.


Quand je dis "se poser", c'est tout relatif. Parce que ce qu'il redoute, Napo, plus que l'exil, c'est justement de n'avoir rien à faire de ses journées ! Pas possible pour lui de passer ses journées sous le porche, assis dans un rocking-chair à jouer du banjo en chantant du blues (qui n'a de toute façon pas encore été inventé).


Non, il lui faut un truc intéressant à faire, quelque chose de stimulant et une petite partie d'aventure !


Il s'en est d'ailleurs confié au mathématicien Monge, qui était présent avec lui lors des campagnes d'Italie et d'Egypte.


Napoléon veut une nouvelle carrière. Vraiment. Changer de cap.


Et pourquoi pas le monde du spectacle ? (affiche pour le spectacle de Buffalo Bill de 1898)

Et dans ce cas, quoi de mieux que les sciences ? Il y a encore tant de choses à découvrir ... Après avoir laissé son empreinte dans les livres d'histoire en tant qu'homme d'état et stratège, il rêve de notoriété scientifique.


Et il a programmé tout ça : tout d'abord, il lui faudra trouver un compagnon, un scientifique, quelqu'un de pointu et de confiance, qui le mettra à la page au niveau des avancées des sciences. Oui, parce que, s'il a toujours été avide de connaissances et que tout ça l'a toujours intéressé, il faut dire que, ces dernières années, il a été un peu occupé ailleurs ...


Une fois mis au courant de tout ce qui se fait et de ce qui a été découvert récemment, il s'imagine naturaliste. Il souhaite parcourir l'Amérique. Attention, pas les Etats-Unis, mais le continent entier, du Canada au Cap Horn !


What if ? Comme disent les anglo-saxons. Et s'il avait mené à bien son projet ? Quel héritage nous aurait-il laissé ? Et se serait-il vraiment contenté de cette nouvelle vie de scientifique ? Aurait-il été approché par le gouvernement des Etats-Unis pour d'autres "ambitions" ? Aurait-il tenté un retour en Europe (j'en doute) ?


Les Anglais (et la trahison de Fouché) nous ont privé de ces réponses et nous laissent avec des spéculations.


La suite, on la connaît. L'ennui, la maladie, le déclin, jusqu'au 5 mai 1821 où Napoléon Bonaparte s'éteint, à seulement 51 ans.


Hudson Lowe, gouverneur de l'île, avec qui les relations étaient plutôt tendues, déclara, devant le lit de mort de l'Empereur :


"Messieurs, c’était le plus grand ennemi de l'Angleterre, c’était aussi le mien. Mais je lui pardonne tout. À la mort d’un si grand homme, on ne doit éprouver que tristesse et profond regret."


L'avant-dernière demeure de Napoléon à Sainte-Hélène.

VOilà, c'est fini, comme disait l'autre


Voilà, nous arrivons à la fin de cet article qui, pour une fois, était consacré non à un personnage, mais à un moment particulier de sa vie. En plus, ça m'a (un peu) permis de parler de bateaux, donc je suis content ! Bon, j'aimerais bien un jour vous raconter la bataille de Trafalgar (et vous parler de l'Amiral Nelson ...), mais il faudra que Redpaln nous fasse quelques illustrations sur le sujet (je fais le forcing régulièrement, hein) !

Et si vous souhaitez vous procurer une illustration originale de Napoléon, hors de l'uniforme, cliquez sur la photo ci-dessous !

Sur ce, je vous dis à la semaine prochaine pour un autre article dont (comme d'habitude), je ne connais pas encore le sujet !

Bonapartement vôtre,


Votre humble et dévoué serviteur,




- ODY





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