Qui n'a jamais entendu le nom de Simone Veil ?
On lui doit évidemment la loi qui porte son nom et qui dépénalisa en 1974 l'IVG. Mais revenons un petit peu sur le reste de son parcours.
SIMONE DE NICE
C'est bien là qu'elle naît, des années avant Brice, le 13 juillet 1927, d'André Jacob et Yvonne Steinmetz, tous deux d'origine juive. Non pratiquants et partisans de la laïcité, ils revendiquent néanmoins leur appartenance à cette communauté, mais d'un point de vue culturel. Simone, la benjamine de la famille, a deux sœurs, Madeleine et Denise, ainsi qu'un frère, Jean.
En 1939, la guerre éclate et, à la mi-1940, l'armistice est signé après la défaite française face à l'Allemagne. Mais pour le moment, les Jacob de sont pas inquiétés, puisque, nous le savons, Nice demeure alors en zone libre.
Mais bon, les ennuis vont vite arriver puisque, le 4 octobre de la même année, le gouvernement Laval met en place le premier statut des Juifs. Concrètement, les Juifs n'ont plus le droit de bosser et doivent impérativement se faire recenser. Résultat, André perd son boulot d'architecte et la galère commence.
LA GuERRE NE CHANGE PAS
Jusqu'en 42, même si c'est loin d'être évident financièrement, ça se passe plutôt tranquillement. Simone suit les cours au lycée de jeunes filles et s'investit dans la Fédération française des éclaireuses. Les italiens, qui occupent le sud de la France, n'appliquent pas les mesures antisémites établies par l'Allemagne nazie et les juifs ne sont pas inquiétés durant cette période. Oui mais ... En novembre 42, les Alliés débarquent en Afrique du Nord et l'Allemagne déploie ses troupes dans le sud de l'hexagone. Le répit perdure pour les Jacob, puisque les départements à l'Est du Rhône restent sous occupation italienne (sauf les Bouches-du-Rhône). Cela changera en septembre 43 lorsque l'Italie signe un armistice avec les Alliés, évidemment sans en parler au "copain" allemand ... Mussolini est arrêté, ce qui est plutôt cool, mais du coup, la zone d'occupation italienne passe aux mains des nazis. Et la Gestapo, sous les ordres de l'infâme Alois Brunner, commence son sale boulot contre les Juifs de France. Simone cesse d'aller au lycée et, sous une fausse identité, bosse dans une librairie. Elle est hébergée chez Mme de Villeroy, sa professeure de lettres. Elle passe néanmoins son bac, en mars 44.
LES CAMPS
Fin mars, en compagnie d'un ami, et contre l'avis de sa famille, elle va rejoindre ses camarades de classe pour fêter la fin des examens. Elle sera malheureusement contrôlée dans le centre-ville et les agents allemands se rendront vite compte que ses papiers sont falsifiés. Simone glisse un papier au garçon qui l'accompagne avec l'adresse de Mme de Villeroy dans l'espoir que celle-ci puisse prévenir sa famille. Oui, mais le nazi est fourbe et rusé et le jeune homme se fait filer par des agents et conduit ces derniers jusque chez Yvonne et deux de ses enfants, Madeleine et Jean. Denise, quant à elle, a rejoint la résistance dans la région de Lyon.
Deux semaines après avoir été appréhendés, et après un court séjour au camp de Drancy, Yvonne, Madeleine et Simone sont envoyées au camp d'extermination d'Auschvitz-Birkenau où elles arrivent le 15 avril.
Les trois femmes sont sélectionnées pour le travail forcé avant d'être transférées en juillet dans une annexe du camp, à Bobrek, après que Simone se soit attiré la sympathie d'une kapo. Les conditions de vie y sont meilleures, mais elles demeurent sous la menace constante d'un retour au camp principal à la moindre incartade.
Mais six mois plus tard, l'Armée Rouge avance à grands pas sur l'Allemagne. Le 18 janvier 45, c'est l'exode. Les nazis transfèrent leurs prisonniers de Bobrek à Gleiwitz, ce qui représente une marche de 70km dans des conditions effroyables qui coûteront la vie à de nombreuses personnes.
Puis c'est 8 jours infernaux en train, jusqu'au camp de Dora, puis celui de Bergen-Belsen, où elles arrivent le 30 janvier.
En mars, Yvonne, la mère, décède du typhus. Madeleine, elle aussi touchée, ne devra la vie sauve qu'aux troupes britanniques, qui libèrent le camp le 15 avril.
Quant à André et Jean, ils sont déportés en Lituanie en mai 1944. Ils n'en reviendront pas.
Denis, la résistante, fut arrêtée à Lyon et déportée à Ravensbrück, d'où elle rentrera à la fin du conflit.
DOuCE FRANCE
Le 23 mai 1945, Simone revient au pays. Elle y apprendra qu'elle a eu son bac et s'inscrit dans la foulée à la faculté de droit de Paris, ainsi qu'à l'Institut d'études politique de Paris. C'est là qu'elle rencontre Antoine Veil, lors d'un séjour au ski. Ils se marieront en octobre 46.
Simone et son époux, qu'elle suivra lors de son affectation à Stuttgart, sont des précurseurs de l'amitié franco-allemande. Simone expliquera, à qui veut l'entendre, qu'il faut faire le distinguo entre les nazis instigateurs de la Shoah et la population allemande.
Sa sœur Madeleine, accompagnée de son fils Luc, décède d'un accident de la route en 52, au retour d'une visite à sa sœur à Stuttgart.
Simone et Antoine Veil auront 3 fils, Jean, Claude-Nicolas et Pierre-François.
ET MAINTENANT, Au BOuLOT !
Oui parce que Simone, c'est pas le genre à se tourner les pouces ! Malgré sa licence de droit, elle n'exercera pas le métier d'avocate (suivant l'avis de son mari), mais elle passe avec succès le concours de la magistrature.
Intégrant le ministère de la justice en tant que haut-fonctionnaire dans l'administration pénitentiaire, et, durant la guerre d'Algérie, fait transférer en France de prisonnières Algériennes ou d'hommes menacés de la peine capitale. D'autre part, elle parvient à obtenir le statut de prisonnier politique aux milliers de membres du FLN détenus dans les prisons françaises.
Elle deviendra, en 70, la première femme secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature ! Et alors que seulement 40% des femmes françaises travaillent, à cette époque.
En 1971, elle siège au conseil d'administration de l'ORTF.
Et hop, en politique, maintenant
Georges Pompidou (qui avait reçu son vote en 69), décède avant la fin de son mandat, en avril 74. Simone soutient alors Jacques Chaban-Delmas lors de l'élection présidentielle anticipée, mais, on le sait, le mandat échoira à Valéry Giscard d'Estaing.
C'est donc lors du mandat de ce dernier et sous le gouvernement Chirac, qu'elle est nommée ministre de la Santé. Depuis Germaine Poinso-Chapuis en 1947, aucune autre femme n'avait été ministre de plein exercice (au même poste, d'ailleurs).
Elle conserve son poste lorsque Raymond Barre devient à son tour Premier ministre.
LE COMBAT POuR L'IvG
C'est surtout pour ça que l'ont connaît Simone. C'est sa lutte, la dépénalisation de l'interruption volontaire de grossesse. Et à ce sujet, Simone veille ............................. Oui, ce pauvre calembour méritait bien autant de points de suspension. Il est vieux comme le monde et n'aurait pas dû se trouver dans ces lignes, mais votre humble serviteur n'a pas résisté à ce jeu de mot ULTRA facile. Désolé. Hum, reprenons ! Elle présente donc , toujours en 74, le projet de loi au Parlement. Alors évidemment, de la droite la plus ... droite, dirons nous, elle reçoit injures et menaces, ce qui ne la fera pas faillir. Je pense que lorsqu'on a vécu sous le joug des nazis dans un camp de la mort, on doit relativiser pas mal (on le verra d'ailleurs un peu plus bas, lors d'une sortie remarquable).
Et quoi qu'il en soit, après son adoption en novembre 74 par l'Assemblée Nationale, le texte est également adopté par le Sénat. Il entre en vigueur le 17 janvier 1975.
Cependant, si Simone Veil est pour la dépénalisation de l'avortement, elle n'est pas pour sa banalisation. Pour elle, il doit rester un ultime recours, une exception.
LE RESTE DE LA vIE POLITIQuE
Si la loi Veil est le point culminant de sa carrière politique, elle ne s'arrêtera évidemment pas là, notamment en matière de santé, puisqu'elle procédera à une révision de la "carte hospitalière", puis au rééquilibrage des comptes de l'Institut Pasteur, elle mettra aussi en place des aides financières pour les mères d'enfants en bas âge. On peut aussi mentionner qu'elle est à l'origine d'une loi d'orientation en faveur des handicapés.
Dès 1976, alors qu'elle est elle-même fumeuse, elle fait adopter la loi contre le tabagisme, qui s'accompagnera de restrictions sur les publicités et qui amènera aux premières interdictions de fumer dans les lieux recevant des mineurs, dans les hôpitaux, ou encore dans lieux où l'on manipule de l'alimentation. Les premiers avertissements apparaissent sur les paquets.
Elle se présente sans succès à la mairie de Paris en 77 et est envisagée l'année suivante pour le poste de Premier Ministre.
L'EuROPE, l'EuROPE, l'EuROPE !
Lors des élections européennes de 79, et à la demande de VGE, elle conduit la liste UDF. Elle se fait prendre à partie par des militants du Front National auxquels elle rétorquera, je cite : "vous ne me faites pas peur, pas peur du tout. J'ai survécu à pire que vous ! Vous n'êtes que des SS aux petits pieds !" Ce qui illustre bien ce sont je vous parlais plus haut !
En juillet de la même année, elle est élue présidente du Parlement européen avec 192 voix contre 133 pour le candidat socialiste italien et 47 pour le candidat communiste (italien lui aussi).
En 1982, elle retirera sa candidature à la réélection (ne bénéficiant pas du soutien du RPR).
Elle demeurera néanmoins active au parlement, en prenant la tête du service juridique.
En 1984, avec Jacques Chirac, elle conduit une liste unique (Union pour la France et l'Europe), qui recueille 43% des suffrages.
Elle-même se dit "à gauche pour certaines questions, à droite pour d'autres" et, après avoir soutenu Raymond Barre lors de la présidentielle de 1988, qui se soldera par la réélection de François Mitterrand, elle rencontre Michel Rocard en vue de son entrée au gouvernement. Mais bon, "Tonton" ne verra pas ça avec d'un oeil bienveillant et ça ne se fera pas.
Cependant, en 1993, elle revient en tant que ministre d'Etat, sous Mitterrand toujours, mais lors de la seconde cohabitation avec le gouvernement d'Edouard Balladur. Elle quittera le gouvernement après l'élection de Chirac en 1995.
De 1998 à 2007, elle est membre du Conseil constitutionnel. A l'issue de ce mandat, elle soutient Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de 2007.
EN PARALLèLE
De 2001 à 2007, elle préside la Fondation pour la mémoire de la Shoah (elle en restera présidente d'honneur par la suite).
En novembre 2008, elle devient "Immortelle" en entrant à l'Académie Française, occupant le 13e fauteuil, celui de Pierre Messmer, de Racine et de Paul Claudel. Sur son épée (un sabre du XIXe siècle), remise par Jacques Chirac en 2010, sont gravés les devises de la France et de l'Union Européenne, mais également le matricule tatoué sur son bras à Auschwitz.
En 2013, à 86 ans, Simone Veil, après le décès de son mari et de sa sœur, se retire de la vie publique et, dès 2016, elle est admise à l'hôpital pour détresse respiratoire.
Le 30 juin 2017, elle s'éteint à son domicile parisien de la place Vauban. Son fils, Pierre-François, déclarera que son dernier mot a été "merci".
LA POSTéRITé
De tous les bords politiques on réclame son inhumation au Panthéon et plusieurs pétitions sont lancées. Les hommages se multiplient, tant en France que depuis l'étranger.
Le 5 juillet, Simone Veil reçoit un hommage national aux Invalides.
Elle sera inhumée au cimetière du Montparnasse, au côté de son époux Antoine, lors d'une cérémonie présidée par le Grand Rabbin de France.
Un an plus tard, les cercueils sont exhumés et exposés au mémorial de la Shoah avant d'être transférés au Panthéon le 1er juillet. Ils reposent dans le sixième caveau de la crypte, près de Jean Moulin, André Malraux, René Cassin et Jean Monnet.
Pffou. Voilà une vie bien remplie et qui méritait bien un petit récap' et un bel hommage en matière d'illustration !
Je vous donne rendez-vous la prochaine fois (je ne dis pas "la semaine prochaine" car j'en ai manqué plusieurs la dernière fois !) pour un nouveau sujet, dont j'ignore tout pour l'instant !!
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